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Flânerie à travers les lieux incontournables d’Ajaccio : Le Golfe, comme à la maison


José FANCHI le Jeudi 10 Août 2017 à 22:59

Flâner dans l’Ajaccio de ma jeunesse, c’est « refaire le cours », le « petit » et le « grand», revenir dans le quartier de mon enfance, deviser avec Pierrot Pantalacci, le pâtissier de la rue des Trois Marie -_pardon, à stretta di Cannettu – tout en fredonnant l’hymne de mon quartier (Tre Marie, Tre Maro, etc…) puis prolonger ma virée par la rue Fesch à la rencontre d’amis et de connaissances, pour simplement discuter, me rappeler les meilleurs moments d’une enfance joyeuse et insouciante. Me voilà traversant la place des Palmiers pour me rendre vers ce que je considère comme une institution : Le Golfe. Chez « Paul Bozzi» le digne successeur d’Yvonne et d’Ignace Diana, ceux par qui l’établissement du quai Napoléon a gagné ses lettres de noblesse et sa place au soleil du souvenir et de la nostalgie du temps qui passe. Un authentique lieu de mémoire.



Flânerie à travers les lieux incontournables d’Ajaccio : Le Golfe, comme à la maison
A 16 ans et des poussières, on se croit roi du monde et conquérant au possible. On marche quasiment sur l’eau. Le peigne dans la poche arrière du jean’s « Sam » tombant sur nos Clark brossées, bien moulé dans la chemise Madras ouverte sur une poitrine juvénile, nous voilà sur le terrain des conquêtes, face à la mer et au monde, secouant les habitudes des « snobs » qui fréquentent le Golfe. Attention devant, on arrive, à nous les p’tites touristes, assis les jambes tendues voire les pieds sur une chaise…Et voilà la première remontrance de Lucie, le « bras » droit d’Yvonne, la patronne, l’incontournable reine des lieux : « Un seti micca in casa vostra qui ! Surtiti mi sti pedi di i caregghi… »
Le ton est donné, ferme, sans concession !
Une bière, deux pastis, un Martini !
« Montrez vos cartes d’identité, après je vous servirais. »
Lucie, la nièce d’Yvonne est une coriace. Jeannine aussi. Elles deviendront nos amies voire nos complices au fil des mois et des années, mais pour les mineurs que nous sommes, rien à faire. C’est la limonade ou le Régalon des établissements Scaglia et basta cusi. Entrée réussie tout de même dans LE BAR, celui où il fallait être vu, celui par qui le passage de l’adolescence à l’âge adulte est devenu un rite, une obligation, un authentique certificat d’émancipation !
Et voilà comment j’ai effectué mes premiers pas chez Yvonne et Ignace Diana, aux côtés des Ajacciens bien en vue, des jeunes journalistes et autres cadres, des artistes de tous bords et des intellectuels ou croyant l’être qui usaient leurs fonds de pantalons tergal en consommant l’air du temps…et souvent rien d’autre !

Une véritable institution
"Soirées d’apéro ou nuits d’ivresse, petits déjeuners tard le soir ou tôt le matin, le Golfe était notre point de chute, le passage obligé de notre jeunesse débordante d’enthousiasme de la fin des années soixante, époque où l’on gagnait nos premiers salaires avec nos boulots d’été et où il ne manquait jamais rien à nos amusements. La vie était belle, les filles aussi. Lucie, Jeannine et Yvonne nous avaient « à la bonne », nous étions leurs enfants. C’était « notre » Golfe, un peu comme la chanson de Michel Delpech « Chez Laurette », « c’était chez elle que notre argent de poche disparaissait... C’était bien, c’était chouette, quand on était fauchés, elle payait pour nous… "

"J’ai grandi au Golfe, je suis retourné bien des années plus tard et j’ai reçu le même accueil, les mêmes sourires, les paroles réconfortantes d’Yvonne, de Lucie et de Jeannine m’ont fait chaud au cœur avant de partir vivre ailleurs le reste de leur âge… Avec Paul Bozzi, le Golfe retrouve sa lumière"

La relève est arrivée peu après, avec toujours le même enthousiasme et la même foi en ce lieu de convivialité que les ajacciens, jeunes et anciens adorent. Le passage au Golfe est un rite auquel on ne peut se soustraire lorsqu’on a connu ce qu’il a été et combien il a compté dans le cœur de générations à travers cette image d’un Aiucciu bellu sans cesse renouvelée. Paul Bozzi a redonné sa vocation au Golfe et il s’en est occupé avec beaucoup de sérieux, d’amour serait-on tenté de dire tellement il était présent été comme hiver, matin et soir, au service de sa clientèle, de ses amis qui ont continué à profiter du soleil et de la chaleur de ce lieu mythique de la cité impériale.
Paul, le sympathique propriétaire, ami d’enfance, était là pour perpétuer la tradition, reprendre le flambeau d’un établissement prestigieux pour lui assurer la pérennité. Il l’a peaufiné, réparé, rénové pour en faire un établissement de luxe mais ça reste et ça restera toujours le Golfe de notre jeunesse. Aujourd’hui, revoilà notre Golfe et ses voutes célèbres revues et corrigées avec beaucoup de goût. Une cure de jouvence qui lui sied à merveille et lui redonne cette force qui se marie fort bien avec la nostalgie qu’il suscite lorsqu’on s’assied à sa terrasse. Paul a superbement fait les choses avec sa foi et son amour du travail bien fait. Il a redonné une âme à cet honorable établissement qui résiste au temps et aux modes.
Le Golfe a retrouvé son lustre d’antan et les ajacciens le retrouvent à l’identique, avec une salle d’une grande clarté, plus spacieuse et fonctionnelle, une terrasse agrandie éclairée par un soleil printanier qui incite au farniente. Ce soir, comme souvent, le tout Ajaccio est là. On se retrouve, on se fait plaisir, on se congratule et Paul passe de table en table, le sourire aux lèvres, saluant les habitués, content de retrouver ses amis réunis autour d’un verre.
Les « anciens » du golfe apprécient plus que jamais ce lieu de convivialité. Les jeunes apprendront à connaître. A savoir. Et nous direz-vous, qui l’avons connu au sortir de l’adolescence ?
Hé bien nous, on continue sur notre lancée, comme aux plus beaux jours de l’histoire du Golfe que les moins de vingt ans… Et plus ne peuvent pas connaître…
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P.S. Extrait de l’ouvrage « Ajaccio, lieux de mémoire » à paraître.