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Fiscalité en Corse : "Apaisement, apurement et encouragement" prônés par Paul Giacobbi


le Mercredi 19 Octobre 2016 à 21:53

Paul Giacobbi, député de la Haute-Corse, est intervenu mardi soir lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2017, à propos de la fiscalité en Corse. CNI vous propose un extrait de son intervention.



Fiscalité en Corse : "Apaisement, apurement et encouragement" prônés par Paul Giacobbi
« Ce que l’on doit attendre, pour la maison Corse, en matière fiscale, c’est l’apaisement, l’apurement et l’encouragement. En tout cas, on ne peut accepter que certaines institutions, et, parfois, certaines personnes, voire certains collègues, affirment de manière récurrente, pour ne pas dire obsessionnelle, que la Corse bénéficie d’avantages indus et veuillent faire de notre île, dans un pays qui compte en général plus d’exceptions qu’il n’y a de règles et plus de niches fiscales qu’il n’y a de catégories de contribuables, une sorte de symbole de la dérogation.  

Il y a bien des recoins sombres dans le maquis fiscal national, mais ils ne se trouvent pas essentiellement en Corse, qui est pourtant l’île du maquis. Ce que je nomme l’apurement n’est pas la normalisation, au sens d’un alignement sur la norme nationale : cela consiste d’abord à améliorer régulièrement le recouvrement des impositions de toute nature en Corse. Or c’est ce qui se passe sur la durée : à titre d’exemple, le taux de recouvrement des impôts des particuliers, qui atteint près de 97 %, s’est considérablement amélioré, même s’il reste encore inférieur à celui observé sur le continent, qui n’atteint pas non plus la perfection puisqu’il est de 98,7 %. La perfection n’est pas de ce monde mais on s’en approche…


L’apurement pourrait aussi prendre la forme d’une clarification. Certains impôts ne sont pas perçus en Corse, par application de décisions ministérielles très anciennes et toujours renouvelées, ou parfois sur le fondement de textes de valeur législative, eux, mais vieux de deux siècles et qui mériteraient d’être modernisés. La clarification consisterait à conférer à ces situations une base à la fois légale dans la forme et récente dans l’expression. De fait, lorsqu’une exception repose sur un texte ou une pratique vieille de deux cents ans, cela pose problème…


Prenons l’exemple des ventes de vins produits et consommés en Corse : elles ne sont pas assujetties à la TVA, situation qui découle d’une application constante par la direction générale des finances publiques de travaux parlementaires tenus dans cette même assemblée et qui remontent au 17 octobre 1967. La réponse ministérielle était à cet égard très claire. Même s’il est possible et légitime que le Gouvernement, même en matière fiscale, applique la loi en appuyant son interprétation sur des travaux parlementaires, il serait préférable qu’une disposition légale nouvelle et explicite conforte cette application du droit fiscal. Quant au fond, il n’est pas du tout scandaleux que la filière viticole en Corse continue de bénéficier de cet avantage. De fait, il est beaucoup plus coûteux et plus difficile de produire du vin en Corse, compte tenu, notamment, du surcoût sur l’ensemble des intrants de 12 à 15 % : il faut en effet faire venir du continent le matériel de vinification, les emballages, les bouchons et les bouteilles.


Au passage, la Cour des comptes fait un calcul que je n’arrive pas à comprendre. Selon elle, il résulterait de cette règle un coût annuel de 50 millions d’euros pour l’État. Comment peut-on réaliser 50 millions d’euros d’économies sur une taxe de 20 % appliquée à un chiffre d’affaires global de 160 millions ? De surcroît, la règle critiquée ne porte en réalité que sur un montant de chiffre d’affaires bien inférieur, puisqu’il ne concerne que ce qui est produit et consommé en Corse. En réalité, le coût de cette mesure pour le budget de la République est de l’ordre de 12 millions d’euros par an, ce qui peut paraître beaucoup mais est en réalité très faible, et probablement inférieur au surcoût que fait peser à la filière le simple phénomène d’insularité.


L’apaisement et la clarification pour la Corse, ce serait aussi de sortir enfin de la fameuse affaire des arrêtés Miot, dans des conditions raisonnables et acceptables, sur la base de ce que les parlementaires corses vous ont proposé. Cela consiste d’ailleurs en un alignement à terme sur le droit commun, alignement qui deviendra total le jour où la situation de notre foncier sera réellement comparable, en matière de titrage et d’indivision, à la situation qui prévaut ailleurs dans la République et notamment sur le continent. Je sais que vous êtes très attentif à cette situation. Je signale au passage que ce qui sera inscrit dans la loi s’appliquera non seulement à la Corse, mais aussi à toutes les situations où l’on retrouve une difficulté quant au titrage et à l’indivision.


Je voudrais aussi rappeler que l’équité, l’égalité ne consistent pas à appliquer la même règle à des situations différentes : c’est appliquer des règles identiques lorsque les situations sont les mêmes, mais des règles différenciées lorsque la différence de situation le justifie. Il y a dans le droit fiscal français toute une série de différences rationnelles selon les territoires. Pour le démontrer, les députés de la Corse pourraient, parce qu’ils sont aussi ceux de la nation tout entière, s’attaquer à des dispositions dérogatoires dont bénéficient d’autres parties du territoire national.


Enfin, l’encouragement, dans la fiscalité de la Corse, serait d’admettre qu’il faut peut-être parfois aller un peu plus loin pour ce territoire ou pour d’autres qui peuvent lui ressembler, aux caractères insulaires, montagneux ou très ruraux. C’est ce que modestement je proposerai en matière de fiscalité de la recherche et du développement, au titre du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation pour ne citer que ces deux exemples. »