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Fête de la solidarité : La CLE tire la sonnette d’alarme


F.Vandendriessche-Molinet le Mardi 24 Octobre 2017 à 22:02

La première fête de la solidarité, a été organisée à Ajaccio, ce samedi au Palais des congrès, par la CLE (Coordination Inter-associative de Lutte contre l’Exclusion). Le but premier était d’interpeller une nouvelle fois le monde politique, mais aussi de sensibiliser le public à la pauvreté. La journée a débuté par un débat rassemblant élus territoriaux et institutions sur le thème de la lutte contre la précarité, suivi de rencontres avec les associations, avec des animations musicales et activités ludiques.



Table Ronde avec les représentants institutionnels lors de la Fête de la solidarité.
Table Ronde avec les représentants institutionnels lors de la Fête de la solidarité.
La CLE-Pumonte (Corse-du-Sud) et Cismonte (Haute-Corse) est « un organe de réflexions et d’actions, de mises en relation, de mutualisation, et surtout de propositions sur l’ensemble des thématiques liées à la précarité en Corse ». Elle a été constituée en 2004. Son objectif ?
Lutter contre la précarité et l’exclusion en Corse. 
Cette fête de la solidarité a été organisée afin de tirer la sonnette d’alarme auprès des politiques face à l’urgence de la situation, mais aussi de sensibiliser et d’informer le grand public ; de montrer qu’il existe une cohésion entre associations ou tout du moins une volonté de l’être, et surtout d’appeler les politiques à reconsidérer les actions, car ils ont les premières cartes dans les mains. Visiblement, à l’unanimité, si l’on ne fait rien, le cloisonnement va entretenir la problématique de la pauvreté en Corse, car oui, elle augmente, à l’heure où les aides institutionnelles régressent. Seule une synergie et une pensée collective intelligente entre tous les acteurs, pourra changer les choses.


Le débat, les enjeux
Ava Basta, la Croix Rouge Française, la Falep 2A (Fédération des Associations Laïques d’Education Permanente), la Fraternité du Partage, Médecins du Monde, Présence Bis, Resto du cœur, Secours Catholique, Secours Populaire Français sont les associations de la CLE-Pumonte qui se sont rassemblées autour de cet événement. Chacun avait son stand pour accueillir du monde, sensibiliser, informer. Même s’il y a eu peu de visiteurs sur la journée entière, l’assemblée se tenant au débat était fleurissante. Public et invités ont écouté avec intérêt le discours des protagonistes. Un débat animé par Sampiero Sanguinetti, journaliste, écrivain, et militant des droits de l’homme. Au final, une question dont la réponse semble rester en suspens et qui montre qu’il est temps de réagir : comment faire reculer la pauvreté ?

Quel est le chemin parcouru en 10 ans ?
Autrefois, la précarité en Corse était peu identifiée, en tout cas on la cachait davantage. Aujourd’hui il semblerait que la CLE soit entendue par les pouvoirs publics et par les institutions locales.
« Nous pansons les plaies avec nos associations, s’est exprimé justement Stéphanie de Cicco, Présidente de la Croix rouge. Il y a des problèmes en Corse comme partout en France. Nos problématiques en corse sont spécifiques à notre territoire. Il faudra donc, c’est le but de ce plan, adapter des solutions par rapport à ce territoire. »

Selon le Docteur François Pernin, Président de la CLE Pumonte et Médecin du monde, les élus se sentent encore désarmés actuellement devant ce mal qui progresse, ils ont bien compris qu’il faut faire autrement et innover :
«  On en est là, à l’an zéro de la prise en charge de la précarité, il fallait semer la graine dans les esprits, c’est fait. Maintenant, on va aborder l’an un. » Il ajoute : « Qu’est-ce que c’est : être pauvre en France ? C’est de ne pas pouvoir chauffer sa chambre à plus de 7°C l’hiver, c’est de ne pas faire plus d’un repas équilibré par jour, c’est de ne pas pouvoir payer un manteau l’hiver à ses enfants, c’est de ne pas pouvoir envoyer ses enfants chez le dentiste. Voilà ce que c’est la pauvreté. D’un côté, je vois la pauvreté augmenter, d’où notre cri d’alarme. De l’autre côté, je vois que le message est entendu et que de toute façon si on ne s’occupe pas de la pauvreté, c’est elle qui va s’occuper de nous. Parce qu’aucun parti politique, ici, n’est la voix des pauvres, donc face à ce danger, il va falloir inventer une politique, innover dans les mesures, parce que ce que nous faisons actuellement n’est plus efficace. »

Le débat a également mis en évidence le creusement des inégalités, sachant qu’il y existe une économie parallèle.  La question qui se pose est : comment les corses peuvent conscientiser le problème de la précarité en louant par exemple des logements hors de prix ou en saison uniquement pour les estivants ? Faut-il encourager ce trop-plein ?» La réponse reste entre les mains de toutes les consciences, y compris des politiques.

 La solidarité : la clé du vivre ensemble
Organiser une journée de la solidarité est aussi une manière d’interpeller le tout public.
Qu’est-ce qu’être généreux, solidaire, comment peut-on aider les autres quand pour soi-même, il est difficile de s’en sortir ? Partout, en France, en Europe, dans le monde, les actions participatives se multiplient, la conscience de ne pas être seul au monde est déjà un grand pas de fait dans les esprits. Présent à la fête de la solidarité, un jeune membre du GAF (Groupe Amitié Fraternité), association crée à Toulouse par des Sans Domicile fixe, est venu spécialement pour la journée, il met en avant le « vivre ensemble » qui a ses yeux est l’outil le plus efficace pour agir. Le GAF fait partie des « lieux à vivre » (fédérations d’associations). Il a expliqué qu’il est possible de faire ensemble, de s’entraider et porter des projets en matière de logement par exemple :
 
« J’ai vécu dans la rue, ce que j’appelle vivre dans la rue c’est familièrement « bouffer, chier, pisser, travailler, baiser dehors, vous pouvez imaginer… » Et j’ai été aidé à m’en sortir. Le GAF comme d’autres associations du même type, est portée et gérée par les sdf. Le but de l’association est de faire émerger, par le vivre ensemble, l’individu pour sa réhabilitation. On développe, on concrétise des projets à partir des savoir-faire, des compétences, des expériences des personnes de la rue, en compagnonnage. C’est de la coévolution. Nous avons été invités par le secours catholique, je suis venu témoigner de nos actions en cette journée de solidarité. »
Ce beau témoignage pourrait montrer, qui sait, ce qui est possible de faire « autrement », et ce, au plus près des individus et d’éveiller les esprits sur le vivre ensemble.
Les associations de la CLE-Pumonte ont montré ce que signifie également, en ce samedi, l’engagement au sein d’associations humanitaires et caritatives. Elles ont présenté leurs actions sur leur stand. Durant la journée, elles ont toutes finalement délivré le même message : « ce qu’elles font sur le terrain peut paraître n’être pas grand-chose, mais c’est immense. Permettre à un homme, à une femme, à un enfant, d’être logé, de manger à sa faim, de se laver, de se soigner dignement, de ne pas subir de discrimination, de trouver un travail,  n’est-il pas là l’essentiel ?
Sadek employé à la Falep et bénévole à la Croix rouge s’exprime :
« Pour moi ce qui est important, c’est de tisser des liens de confiance avec ces personnes, car nous les considérons avant tout comme des humains. »

Les associations en tirent une même conclusion : elles œuvrent et font ce qu’elles peuvent en fonction des moyens humains et financiers. Aujourd’hui, il semble qu’il y ait une volonté de marcher tous ensemble dans la même direction et sortir du cloisonnement.
Jean-Yves Torre paysan et artisan du collectif corse antiraciste Ava Basta a vivement souligné qu’il serait temps d’arrêter de se poser les mêmes questions au bout de toutes ces années et d’avancer. Sa question est aussi : où sont les pauvres en cette fête de la solidarité ? Une idée à soumettre pour la seconde édition ? Prévoir une grande tablée mêlant politiques, acteurs associatifs et personnes en difficulté dans un moment convivial autour d’un bon repas.
Pourquoi pas ?
Alors rendez-vous dans un an, en attendant il y a du pain sur la planche.