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Emmanuelle de Gentili : « Je suis une femme libre ! Aucun titre ne vaut de se renier et de renier ses engagements ! »


Nicole Mari le Mardi 3 Mars 2015 à 17:54

Son brutal débarquement de la tête de l’Office hydraulique (OEHC) par le président de l’Exécutif de l’Assemblée de Corse (CTC), Paul Giacobbi, pour « dissensions et divergences » dans l’affaire d’Ange de Cicco, Emmanuelle De Gentili l’assume avec flegme et sérénité. Pointant du doigt les manquements au droit de l’Exécutif dans ce dossier, elle avait estimé qu’il était temps d’arrêter les frais d’une situation qui perturbe cet outil stratégique et coûte cher au contribuable. Face à ce qui apparaît comme une sanction politique liée à d’autres enjeux, notamment électoraux, elle explique, à Corse Net Infos, qu’elle reste fidèle à ses convictions et à ses amitiés et réaffirme son engagement au service de la Corse et sa présence dans les prochains scrutins.



Emmanuelle de Gentili, conseillère exécutive de l'Assemblée de Corse, 1ère adjointe au maire de Bastia, responsable de la fédération socialiste de Haute-Corse et membre du bureau national du PS.
Emmanuelle de Gentili, conseillère exécutive de l'Assemblée de Corse, 1ère adjointe au maire de Bastia, responsable de la fédération socialiste de Haute-Corse et membre du bureau national du PS.
- Comment Paul Giacobbi vous-a-t-il signifié votre licenciement ?
- Nous avions rendez-vous, lundi, pour parler de l’Office hydraulique. A l’issue de ce rendez-vous, nous n’avons pu que constater un certain nombre de divergences d’appréciations sur le mode de gouvernance et la gestion de l’Office. Paul Giacobbi a choisi de mettre fin à mes fonctions puisque je ne partageais pas toutes ses positions sur cette gestion.
 
- Comment avez-vous réagi ?
- Je peux très bien comprendre sa position, même si je ne la partage pas. Pour moi, l’important est d’appliquer le droit et les décisions de justice.
 
- Estimez-vous que le président de l’Exécutif n’applique pas le droit ?
- Je ne peux que constater que le tribunal administratif déboute systématiquement la CTC de toutes ses procédures administratives à l’encontre des différents directeurs des agences et offices. Il en va de même en ce qui concerne l’Office hydraulique. Je crois qu’aujourd’hui, il faut être cohérent et aller vers une négociation plutôt que de continuer à augmenter la facture de l’argent public qui va retomber sur les contribuables.
 
- Paul Giacobbi n’est-il pas dans son droit quand il licencie Ange de Cicco ?
- La procédure n’est pas respectée au sens du droit.
 
Dans son communiqué, Paul Giacobbi parle de « dissensions et divergences ». Qu’entend-il par là ?
- Il faut lui poser la question ! En ce qui me concerne, au niveau de la gouvernance de l’Office hydraulique et des choix qui sont opérés, je pense que nous ne pouvons pas travailler ensemble de manière consensuelle puisque nous n’avons pas réussi à gérer ensemble ce dossier de repositionnement d’Ange de Cicco. Ce que Paul Giacobbi s’était engagé à faire pour que chaque partie puisse sortir par le haut de ce triste dossier qui dure depuis deux ans !
 
- Ange de Cicco dit qu’il n’est qu’un dommage collatéral de quelque chose qui le dépasse. Etes-vous d’accord avec lui ?
- C’est possible ! Quand on analyse la situation globale, on peut se poser ce type de question puisqu’il y a, quand même, un acharnement sur sa personne qui semble très dépassé par rapport à l’enjeu. Il ne s’agissait pas, aujourd’hui, de remettre Ange de Cicco à la direction de l’Office hydraulique ! Mais bien plus, et c’était le sens de mon intervention dans la presse, de trouver une sortie par la voie du dialogue. On dit toujours qu’il faut mieux un bon arrangement qu’un mauvais procès. Quand on connaît le coût exorbitant du licenciement d’un directeur et de toutes les sommes qui peuvent être rajoutées, je crois que, dans la période que nous vivons de réduction des dotations et des moyens financiers donnés aux collectivités, il convient d’arrêter l’hémorragie au plus vite !
 
- Dans quel sentiment, quittez-vous l’Office après 4 ans de présidence ?
- Je voudrais remercier l’ensemble des personnels de l’Office hydraulique où j’ai fait de très belles rencontres. C’est un outil d’aménagement essentiel pour la Corse. J’espère qu’il prendra toute sa dimension dans les années à-venir. Son rôle ne se borne pas à la pose des tuyaux. C’est vraiment un outil stratégique qui doit être encore plus utilisé. Il recèle de talents qui, j’espère, se révèleront au fil des mois afin d’impulser beaucoup de belles choses et de beaux projets pour l’avenir de la Corse.
 
- Votre fonction de conseillère exécutive est-elle aussi remise en cause ?
- Ma fonction de conseillère exécutive ne peut pas être remise en cause. On devient conseiller exécutif par un vote des élus de l’Assemblée de Corse. Il ne revient pas à Paul Giacobbi de remettre en question cette fonction. Ce qu’il peut faire, c’est de modifier ou de m’ôter d’autres délégations. Cela relève de ses prérogatives et de son choix. Là-dessus, je n’ai rien à dire.
 
- Ne craignez-vous pas, cependant, d’être reléguée dans un placard pour les quelques mois qui restent ?
- Cela va être très difficile de me bâillonner dans la mesure où j’ai toujours fait connaître mes positions et mes engagements. Ce n’est pas un titre en plus ou un titre en moins, une fonction en plus ou une fonction en moins, qui m’empêcheront de dire ce que je souhaite dire avec mes amis et de défendre une vision de la Corse et du développement de notre île ! Je vais m’y atteler avec l’ensemble des personnes qui m’ont apporté leurs soutiens, particulièrement Jean-Charles Orsucci et Jean-Louis Lucciani.
 
- Ne pensez-vous pas que l’Office n’est que le prétexte, pour Paul Giacobbi, de vous faire payer vos soutiens politiques à des élus qui se sont détournés de lui ?
- Je suis une femme libre ! Je reste fidèle à mes convictions, à mes engagements et à toutes mes amitiés, particulièrement mes amitiés politiques. Là-dessus, je ne changerai pas pour tout l’or du monde ! Je crois qu’aucun titre ne vaut de se renier et de renier ses engagements !
 
- N’est-ce pas aussi une manière de sanctionner votre alliance avec Gilles Simeoni et de vous rendre responsable de l’échec de Jean Zuccarelli à la mairie de Bastia ?
- Là aussi, c’est une question qu’il faut lui poser directement ! Pour autant, ma démarche sur Bastia a été très claire. L’alliance avec un parti progressiste identitaire et les forces nationalistes modérées me semble tout à fait logique. Il s’agissait de donner un nouveau cap à Bastia. Si cette situation devait se représenter demain, je referai la même chose !
 
- Hyacinthe Mattei, Jacky Padovani… et maintenant vous ! La majorité territoriale a vécu, mais la gauche insulaire est-elle irrévocablement disloquée ?
- Aujourd’hui, on ne doit plus se positionner de cette manière-là. Il s’agit de regarder quelle vision, nous avons de la Corse. Nous ne sommes plus sur des clivages aussi tranchés. Nous sommes plus sur des visions de projets, de gouvernance et d’engagement au service du collectif. C’est plutôt là-dessus que se fera la différenciation à l’avenir. Nous travaillons avec un certain nombre d’élus et de personnalités de la société civile à construire des projets et une ambition pour la Corse. Cela dépasse largement les petits arrangements et les majorités qui relèvent de clivages, aujourd’hui, éculés.
 
- Dans cette nouvelle donne politique, conduirez-vous une liste aux élections territoriales de décembre prochain ?
- Il est trop tôt pour poser cette question. Néanmoins, pensez-vous que je peux faire l’impasse sur une élection aussi importante avec les engagements que j’ai au service de la Corse ! Bien entendu, je serai présente dans cette élection. Sous quelle forme ? Il est encore trop tôt pour en parler. Je consulte de nombreuses personnes. J’ai, d’ailleurs, reçu depuis deux jours énormément de soutiens. Je vais travailler pour poursuivre le développement d’un projet économique, identitaire et solidaire pour lequel nous essayons, depuis quelques mois, de réunir des personnalités politiques, mais aussi du monde économique et social. Nous voulons construire un projet original qui permet à la Corse de sortir de cette dualité existant entre la fonction publique et le monde économique. Aujourd’hui, ces clivages sont dépassés. Il faut un service public revisité qui sert de levier au développement économique de la Corse.
 
- D’avoir été exclue, il y a deux ans, par Emile Zuccarelli, vous a plutôt bien réussi. Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?
- Je suis dans un très bon état d’esprit. Je reste très dynamique. J’ai suffisamment de travail devant moi et de dossiers à gérer pour que les mois qui arrivent soient très chargés et très intenses. Pour autant, je ne perds pas de vue l’essentiel qui est d’être au service de la Corse. Cela reste mon cap !
 
Propos recueillis par Nicole MARI