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Corte : L’économie insulaire en débat pour la dernière journée des Scontri Internaziunali


le Vendredi 27 Février 2015 à 20:21

Organisée par la Ghjuventù Independentista, la 11eme édition des Scontri s’est clôturée jeudi soir à l’université de Corte. Avec comme invités César Filippi, Joseph Colombani, Jean-André Miniconi, Vanina Bernard-Leoni, Sébastien Simoni et Alain Mosconi, les discussions ont porté sur l’état économique de la Corse. Tous les intervenants ont livré leurs visions de la situation économique en fonction de leurs connaissances respectives ; transport, urbanisme, tourisme, entreprenariat, agriculture, nouvelles technologies… autant de thèmes qui ont été débattus jusqu’à 21h dans l’amphithéâtre Ribellu.



Animé par Serena Talamoni, le débat a rassemblé Sébastien Simoni, Vanina Bernard-Leoni, Jean-André Miniconi, César Filippi, Joseph Colombani et Alain Mosconi à l’université de Corse
Animé par Serena Talamoni, le débat a rassemblé Sébastien Simoni, Vanina Bernard-Leoni, Jean-André Miniconi, César Filippi, Joseph Colombani et Alain Mosconi à l’université de Corse
La volonté de dédier un débat sur l’économie corse fut affichée par le premier intervenant, Petru Vesperini, Président du mouvement Ghjuventù Indipendentista qui, en guise d'introduction, a dressé un rapide état des lieux de la situation économique locale : le taux de pauvreté est estimé à 19,7% et le chômage atteint aujourd’hui plus de 10%.

« Le tourisme en Corse compte plus d’ennemis que d’amis »

César Filippi, hôtelier et président du Cercle des grandes maisons corses, a pris ensuite la parole pour présenter à son tour quelques chiffres ; le tourisme en Corse représente 17% du PIB, juste après l’argent public qui en représente 42%. César Filippi est revenu sur les difficultés d’ordre structurelles que le secteur touristique rencontre, avec selon lui des transports inadaptés au tourisme, et la concurrence déloyale pour les hôteliers, avec un nombre croissant de résidences secondaires louées durant la saison estivale.
Pour le sujet délicat des résidences secondaires, le président du Cercle des grandes maisons corses s’est, d’après ses dires, heurté à un mur lorsqu’il a rencontré ministres et représentants de l’État, de tous bords politiques confondus, pour essayer de résoudre ce problème qui persiste depuis tant d’années, il précise : « nous avons été reçus, avec mes amis du Cercle, par 12 ministres en quatre ans. Tous nous ont dit qu’il y a trois problèmes pour les résidences secondaires : premièrement, nous n’avons pas de loi en vigueur pour les contrôler, deuxièmement, si on créait l’outil juridique pour contrôler les résidences secondaires, il serait plus couteux que la perception. Dernier problème, les ministres nous ont demandé de livrer des noms pour faire des exemples… non seulement ce n’est pas dans notre mentalité, et les premiers noms qui seraient à fournir sont des amis des ministres. »


Selon César Filippi, l’offre aérienne proposée pour la Corse ne correspond plus à la logique du client, qui aujourd’hui a tendance « à acheter un billet peu couteux plutôt qu’une véritable destination.» De plus, la desserte aérienne en Hiver ne semble pas correspondre aux attentes des restaurateurs-hôteliers, qui sont obligés de fermer leur établissement durant la saison hivernale et de facto, ne peuvent embaucher en CDI. Après un bref constat plutôt pessimiste sur la conjoncture économique actuelle, l’hôtelier Corse est alors revenu sur ses propres conditions d’exploitation, pour faire selon lui tomber quelques clichés : « dans notre corporation, nous avons l’heure salariée chargée la plus chère de France, pourquoi ? Parce que nous respectons les conventions sociales et les règles. Aujourd’hui nous avons une masse salariale qui a dépassé les 50% du chiffre d’affaires. »


Jean André Miniconi, chef d’entreprise et président de la CGPME (Confédération Générale du Patronat des Petites et Moyennes Entreprises - CORSICA), a réagi et complété les propos de César Filippi en détaillant le problème des charges salariales. Selon lui, les employés reviennent plus chers en Corse car il faut les former, « à défaut d’avoir en Corse une vraie école hôtelière digne de ce nom », et il y a, en plus, le problème des saisonniers venus du continent, « qu’il faut obligatoirement loger au prix du marché coutant. » 

« Notre développement économique doit se faire en fonction de notre identité »

La réflexion collective sur l’état économique de la Corse s’est poursuivie par l’intervention de Joseph Colombani, président de la FDSEA (Fédérations Départementales des Syndicats d’Exploitants Agricoles) de la Haute-Corse et président de la chambre régionale d'agriculture.

Après un rappel historique sur « le seul projet économique en Corse mis en place par la France, à savoir la SOMIVAC crée en 1957 » qui, selon Joseph Colombani, n’a pas pris en compte les spécificités sociales et culturelles des Corses, l’intervenant a préconisé pour le secteur agricole « de cultiver la différence en misant sur nos spécificités. Il faut aussi saisir l’opportunité du moment, pour l’agriculture, la conjoncture est intéressante avec le PADDUC et l’avènement des techniques d’exploitation modernes.»
À l'heure actuelle, seuls 40 000 hectares sont exploités par les agriculteurs, avec le PADDUC, c’est environ 105 000 hectares qui seront dédiés à l’agriculture. 

« La SNCM a vécu par la Corse, elle n’a pas vécu pour la Corse »

Après avoir salué l’initiative de la Ghjuventù Independantista, qui a organisé ce débat « pour qu’on puisse ensemble travailler sur une recherche de convergence, entre les différents acteurs économiques », Alain Mosconi, secrétaire national pour la section STC Marins, est intervenu sur le sujet auquel tous les participants l’attendaient, la situation de la SNCM.
« La SNCM a vécu par la Corse, elle n’a pas vécu pour la Corse. Elle a vécu pour Marseille et d’autre lobbys et dans tous les cas de figure, en dehors d’un schéma d’intérêt pour les Corses et la Corse. »

Pourquoi n’y a-t-il pas de correspondance plus soutenue avec la Sardaigne ? Pourquoi nous n’avons bénéficié d’aucune aide de la part de l’Europe ? Pourquoi avec Bruxelles, qui a budgétisé une manne financière de près de 308 milliards d’euros permettant la mise en place de projet structurant pour rapprocher les territoires européens, la Corse n’a reçu aucune aide ? Alain Mosconi a pointé du doigt les problèmes qui d’après lui font partie des principales défaillances de la gestion de la compagnie maritime. Il a ensuite abordé le sujet des reprises potentielles de la SNCM par des acteurs extérieurs privés, comme il fut un temps avec Butler ou Veolia. « Si vous ne maitrisez pas vos transports, vous tournez le dos à toutes perspectives d’indépendance politique, institutionnelle ou économique. » Rappelons qu’en 2009, un document confidentiel du groupe Veolia confirmait que Butler avait empoché près de 73 millions d’euros d’argent public en revendant la participation prise dans la SNCM au moment du renflouement/privatisation de la compagnie…

Le secrétaire national de la STC Marins a conclu son discours par une invitation : « le souhait de regrouper très prochainement tous les acteurs économiques présents aujourd’hui, peut-être sous l’égide de la GI, pour construire la Corse de demain, un destin commun, et ressortir une synthèse cohérente de ce qu’est la Corse, la synthèse des Corses, qui viendrait s’opposer à Paul Giacobbi qui nous ment et à Paris qui nous méprise, à Butler ou à Veolia qui veulent nous spolier. »

Vanina Bernard Leoni : « Les Corses n’ont été jamais aussi près d’être maitres du jeu chez eux »

« Si on regarde l’histoire de la Corse, on est en situation politique, économique et sociale d’une certaine maturité. Nous sommes en situation de maitrise : l’université a 30 ans, la CTC a 30 ans, les médias Corses ont 30 ans et nous avons de nombreux exemples de réussites d’entreprise. »

Trente ans de réflexion et de vie devraient permettre de prendre les bonnes orientations qui assureront un développement économique, c’est empreint d’enthousiasme et d’espoir que débute donc l’intervention de Vanina Bernard-Leoni, directrice de la Fondation Université de Corse. La fondation a été crée en 2010 pour développer les liens avec les acteurs économiques. La jeunesse « doit avoir une conscience économique ». Pour la jeune directrice, les opportunités sont nombreuses aujourd’hui, avec notamment l’économie numérique. Mais si Vanina Bernard-Leoni est aussi positive, c’est aussi suite au constat de tout ce qu’ont déjà apporté les chercheurs au monde agricole. En effet, on peut rappeler à titre d’exemple les travaux menés à la faculté de sciences, qui ont permis de définir le spectre pollinique pour attester la provenance corse du miel, ou encore le travail sur l’ADN, qui a permis d’identifier toutes les variétés ancestrales d’oliviers corses… L’intervenante a terminé son oral en abordant le sujet des nouvelles technologies, transition toute faite pour laisser la parole à Sébastien Simoni. 

Start-up : « Il y a de très belles réussites en Corse, mais il y en a peu… »

Sébastien Simoni, fondateur de WMaker et du Campus Plex, a fait l’état des lieux sur la création des start-up en Corse. Selon le chef d’entreprise, « il y a tous les deux ou trois ans des choses intéressantes qui sortent en Corse », le problème étant d’ordre démographique, le chef d’entreprise a soumis comme idée « d’attirer d’Europe du sud des bonnes start-up et créer une masse critique en Corse ».
En citant l’exemple du jeune insulaire Dominique Leca, cofondateur de Sparrow (société de gestion d’email), le créateur de WMaker expose un fait que tout le monde connaît, celui de « l’exil ». En effet, la stat-up Sparrow, qui a réalisé la meilleure sortie du fonds d’investissement de Xavier Niel en ayant été vendu 20 millions de dollars à Google en 2012, a dû s’installer à Paris pour se développer.


Les discussions se sont terminées aux alentours de 21 heures par le rituel des questions-réponses entre les intervenants et les auditeurs. Enfin, la soirée s’est poursuivie en musique, avec des concerts prévus dans toute la ville de Corte pour clôturer joyeusement cette dernière journée des scontri internaziunali.