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Corse-du-Sud : Pierre-Jean Luciani, un président sans illusions


Jacques RENUCCI le Vendredi 6 Octobre 2017 à 11:17

Pour le président du Conseil Départemental de la Corse-du-Sud, les ajustements entre collectivités ne se font pas facilement ; il demande à être rassuré sur certains points dans la construction du nouveau modèle territorial, s'affirmant "plus attaché à la sincérité des échanges qu'à leur sérénité"



Corse-du-Sud : Pierre-Jean Luciani, un président sans illusions
- Il vous est arrivé de manifester de l’humeur sur la façon dont se déroulaient les rencontres préparatoires à la collectivité unique. Etes-vous rassuré aujourd’hui ?
Il m’est arrivé de manifester des convictions, c’est tout à fait différent. Depuis deux ans, j’exprime des idées de nature à sauvegarder le modèle départemental qui a vocation, en raison de la loi, à se diluer dans une superstructure administrative. Ce modèle repose sur quelques principes simples qui sont, de mon point de vue, menacés par la création d’une collectivité unique. Le principe de proximité des élus et des services publics avec la population et leurs représentants, notamment dans l’intérieur de l’île. L’effort en matière d’investissements que nous avons déployé ces dernières années pour construire des bâtiments, rénover les routes et équiper les communes. Enfin, les politiques de solidarité, innovantes et dynamiques, ont été conduites sans distinction de territoire. A ce stade, je ne peux en aucun cas être rassuré dans la mesure où la réforme a maintenu le mode de scrutin, que la Collectivité de Corse, dès sa création, va devoir faire face à une dette d’environ un milliard d’euros et que la concentration des pouvoirs va à l’encontre de la territorialisation des politiques que nous avons mise en œuvre.


- Vous mettez dans le tronc commun une collectivité saine et en bon état de marche. Est-ce une satisfaction pour vous ?  
C’est plutôt du gâchis ! Rendez-vous compte, pour justifier la création d’une collectivité unique, certains ont osé avancer l’argument que les Départements, en Corse, fonctionnaient mal ! On marche sur la tête. Pour ne parler que du Département dont j’ai la responsabilité, la situation financière, administrative, politique est citée en exemple par l’Association des Départements de France. C’est peut-être anecdotique pour vous mais pas pour les Corses, nous sommes la seule collectivité départementale à avoir diminué la pression fiscale cette année. Donc, si satisfaction je devais ressentir, c’est plutôt d’avoir un bon bilan tout en espérant qu’il ne soit pas gaspillé.


 "La CTC est une collectivité de mission, les Départements de service, ça n’a rien à voir"

 - Qu’est-ce qui est plus difficile techniquement : apparier les conseils départementaux entre eux ou apparier ceux-ci à la CTC ? 
 - Clairement, il est démontré depuis que nous y travaillons qu’assembler les Départements, dont les compétences, l’organisation, le fonctionnement sont différents, n’est pas une mince affaire. Nous avons même établi que les deux Départements possédaient, certes, des similitudes mais aussi de sérieuses divergences dans l’approche de gestion de certaines compétences. A cela s’ajoutent une culture et des métiers totalement nouveaux pour la CTC qui seront difficiles à faire partager avant un long moment. La CTC est une collectivité de mission, les Départements de service, ça n’a rien à voir. Mais je fais confiance aux agents qui ont le sens de l’intérêt général pour surmonter cet obstacle.
 

- Beaucoup de rumeurs de déplacement- voire de déclassement- inquiètent les agents. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Dans cette affaire, les grands oubliés sont les agents. Je ne dis pas qu’ils sont aujourd’hui ignorés, j’affirme simplement que le processus qui a conduit au vote de la loi NOTRe s’est fait sans eux. C’est pourquoi, au Département, j’ai redoublé d’attentions à leur égard en organisant une information et une concertation continue et permanente avec les organisations syndicales et parfois directement avec les agents. Cette collectivité unique n’est faite ni pour les agents, ni pour la population, ni pour les territoires, mais pour devenir un instrument politique. Par conséquent, la question de savoir s’il existe un risque pour un cadre travaillant à  Ajaccio de devoir aller à Bastia ou encore qu’un Directeur devienne Chef de service, la réponse, hélas, n’intéresse pas grand monde. Je le regrette car les agents garantissent la qualité de la mise en œuvre des politiques publiques et, à ce titre, me semblent irremplaçables. 
 
 

- Le climat préélectoral ne nuit-il pas parfois à la sérénité des échanges ?  
Je suis plus attaché à la sincérité des échanges qu’à leur sérénité. Le débat démocratique doit vivre pleinement dans notre beau pays qu’est la France dont la particularité est d’organiser des élections beaucoup trop souvent, trois, rien qu’en 2017 ! Un élu doit être jugé sur pièces, sur ses réalisations et un peu moins sur ses postures, ses discours et sa communication. Bien sûr, je ne vise personne en particulier, le nouveau monde a succédé à l’ancien dont j’entends être un honorable représentant.