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"Contraversu" : L'esprit d'"I Cantelli" dans leur dernière création


Marilyne SANTI le Lundi 26 Janvier 2015 à 19:26

Il y a une petite vingtaine d'années, lors d'un concert d'"I cantelli", Michel Solinas avait soumis à Fredéric Antonpietri, l'idée d'enregistrer des titres grivois du fond populaire corse. L'énergie que dégageait ce groupe lui semblait appropriée à la réalisation d'un tel projet. "I cantelli" avait réalisé en ce milieu des années 90 une "révolution" musicale qui n'était pas attendue à cette époque. Il est aujourd’hui convaincu qu'ils ont contribué, à l'émergence débridée d'une littérature représentée aujourd'hui par quelques auteurs de renom comme Biancarelli, Ferrari, Jureczek ou bien Desanti. « J'ai reconnu chez i cantelli un esprit que j'avais entrevu avec les Pogues... »



"Contraversu" : L'esprit d'"I Cantelli" dans leur dernière création
Il nous livre aujourd’hui son témoignage du parcours qui a conduit le groupe Contraversu à sa nouvelle réalisation artistique. Une création restée muette au fil des années mais que Michel Solinas n’a jamais réellement abandonnée. 

« Puis les années ont défilé et ce projet est resté dans un coin de mon esprit. »

J'ai travaillé pendant ces 20 dernières années à la mise en valeur des répertoires de musiques à danser, au sein, notamment de l'association Dopu Cena, au parcours atypique. Je me reconnais volontiers dans ces musiques festives que jouaient nos anciens en diverses occasions. Nos "cantines" étaient des "pubs", et ça on l'a oublié malheureusement...
En Décembre 2012, les Pogues ont donné un concert à l’Olympia. Courant 2013, j'ai pu visionner ce concert et comme vous pouvez vous en douter, l'idée a ressurgi des tréfonds de ma mémoire. Nous avons alors repris contact, avec Fréderic Antonpietri par le biais de Facebook, et à force d’échanges d’idées et de réflexions, un soir je lui ai proposé de porter ce projet à terme. Il a accepté sous certaines conditions, l'une d'elles concernait la non commercialisation du projet, ce dont nous avons convenu sans longues négociations, car nous trouvions agréable cette idée de passeurs de patrimoine. Cela peut paraître étrange en ces temps où l'argent fait tourner le monde mais le but lucratif est le dernier de nos soucis concernant "Contraversu".
J'ai ai donc proposé de travailler sur une dizaine de titres, qui seraient habillés par des instruments de la tradition corse comme le violon (tout en respectant le jeu des violoneux corses : double corde, bourdons etc...) la pirula, la cialamella, la cornemuse, l'accordéon diatonique, la mandoline, le bouzouki, la guimbarde et des instruments plus ancrés dans notre quotidien, comme la guitare, la batterie et la guitare basse.
C’est ainsi que ce projet fruit d'une collaboration quasi quotidienne depuis de nombreux mois a démarré. Nous parlions volontiers des Pogues, comme référence incontournable et moteur, mais nous puisions aussi nos influences dans la country au travers des groupes comme la Watson Family, le Boss et le Seeger Band, ou encore chez des artistes comme Johnny cash. Et bien évidemment le fond populaire corse de musiques à danser.

"Notre projet se trouve donc un nom : "Contraversu"

Chez nous on dit souvent à une personne quand on souhaite l'entendre chanter : "fà mi senta u to versu". Cette sollicitation revêt une double signification, elle émet le souhait, que cette personne dévoile son timbre de voix et sa  façon de chanter. Ce néologisme "contraversu" porte l'idée du "versu" à contrepied, la voix de Tonton sur ces musiques, en est la parfaite illustration car elle porte cette volonté de rupture avec une esthétique musicale prédominante en corse où le "versu" devient bien souvent une prouesse vocale égoïste.
Nous aurions pu reprendre des chansons de Marcu u longu, de Bruno Baccara ou bien de Marfisi, nous avons choisi celles d'illustres inconnus car elles ont cette vertu d'être aussi non marquées. En règle générale elles ne figurent pas sur des disques (c'est le cas de "Cinciminella" ou "O putanò"). S’il y a déjà eu un enregistrement (Ghjuvan Filippu, O chì piacè) nous avons fait en sorte de nous en détacher complètement. Nous avons ainsi laissé libre court à la création, car la tradition pour nous n'est certainement pas un carcan mais un formidable générateur de créations.
Pour ce projet musical, nous nous sommes appuyés sur un album, surtout pour le mix. Il s’agit de "If i should fall from Grace with God", afin de nous rapprocher au possible d'un son que nous affectionnons particulièrement, et essayé de créer l'impression d'une prise live.
Ce projet est produit par Corsica sound, il s'inscrit dans les objectifs de troc musical de l'association. Les prises de sons ont été réalisées entre Luri, Santa Maria Sichè et Aiacciu par Tonton, Dominique Tomasi (grandukes) et moi-même. Bruno Vidal nous a fait le plaisir de jouer les batteries. Le tout a été masterisé par Steve Corrao à Nashville, tenessee :D.
Je tiens particulièrement à ce projet, il est rare que dans ce pays des artistes s'exposent autant à la critique, c'est notre souhait pourtant. Il est aussi rare et original, quand on parle de restrictions budgétaires, quand l'argent roi  semble conditionner la création artistique, qu'un groupe ait pour seul objectif la diffusion gratuite de ses œuvres : « a cultura esci da u populu è volta à u populu. »

Liens pour écouter, télécharger, ou bien lire les textes

4 titres sont en téléchargement gratuit sur soundcloud.
D'ici le mois de Mai un album complet sera disponible en téléchargement gratuit.
https://soundcloud.com/ziumicheli
http://contraversu.skyrock.com
https://www.facebook.com/Contraversu?fref=ts