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Compétitivité: Crédits d'impôt et augmentation de la TVA au programme !


le Mardi 6 Novembre 2012 à 13:36

Le Premier ministre Jean Marc Ayrault a dévoilé mardi matin, à l'issue d'un séminaire gouvernemental, les mesures destinées à relancer la compétitivité de l'industrie française. De nombreuses préconisations du rapport Gallois, rendu hier, ont été reprises par Jean Marc Ayrault, Parmi celles-ci, octroyer davantage de crédit d'impôt aux entreprises, un allègement des dépenses publiques mais également une hausse importante de la TVA. Décryptage.



La TVA sur la restauration passera de 7% à 10% au 1er janvier 2014. Les professionnels du secteur sont ulcérés. (Photo: DR)
La TVA sur la restauration passera de 7% à 10% au 1er janvier 2014. Les professionnels du secteur sont ulcérés. (Photo: DR)
Le rapport Gallois l'avait préconisé... Jean Marc Ayrault l'a fait ! Les mesures destinées à la relance de la compétitivité de l'industrie française (durement touchée par la crise ces dernières années) ont été présentées mardi matin par le Premier ministre lors d'un séminaire gouvernemental.
Parmi la batterie de propositions formulées par le Commissaire à l'Investissement Louis Gallois dans son rapport rendu au gouvernement, au moins trois d'entre elles se détachent et créent déjà la polémique parmi les professionnels des secteurs concernés mais également dans une grande partie de la classe politique française.

Un crédit d'impôt de 20 milliards d'euro entre 2013 et 2015...
Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi d'un montant de 20 milliards d'euros a ainsi été confirmé. Les entreprises devraient donc bénéficier d'allègements fiscaux sur les salaires. Ces crédits d'impôt s'échelonneront progressivement de 2013 à 2015, dont 10 milliards pour la première année
(au titre de l'exercice 2013, donc pour l'Impôt sur les sociétés payé en 2014), puis 5 milliards pour les 2 années suivantes.
Ces allègements fiscaux s'appliqueront sur les salaires
compris entre 1 et 2,5 fois le SMIC. A noter que le rapport Gallois préconisait d'étendre ces mesures pour les salaires allant jusquà 3,5 fois le SMIC.
Pour financer cette baisse conséquente de 20 milliards, le gouvernement prévoit un effort de réduction des dépenses publiques à hauteur de 10 milliards, dont 5 milliards pour 2014 et 5 autres milliards en 2015.
Tous comptes (d'apothicaires) faits, ces mesures devraient réduire de 6% le coût du travail et, selon le premier ministre, « ce crédit d'impôt aura un impact sur toute la chaîne de production en France ».

Et une hausse de la TVA au 1er Janvier 2014 !
A propos d'impact précisément, il reste donc au gouvernement 10 milliards de recettes à faire rentrer dans ses caisses pour assurer la réussite de ces mesures. Et cette somme proviendra d'un nouvel effort des français sous la forme d'une hausse de la TVA dès le 1er janvier 2014.
Très concrètement, le taux intermédiaire de la TVA (qui concerne notamment les secteurs de la restauration et les travaux à domicile) passera de 7% à 10%. Le taux dit "normal" lui, qui concerne la plupart des biens et services grimpera de 19,6% actuellement à 20%.
Enfin, geste beaucoup moins "large" de la part du gouvernement, la TVA bénéficiant d'un taux réduit (concernant les produits de première nécessité) actuellement à 5,5% sera ramenée à 5%. « Cette mesure vise essentiellement les ménages modestes », a précisé Jean-Marc Ayrault, rappelant qu'il bénéficie à de nombreux produits de première nécessité, comme l'alimentation, les abonnements de gaz et d'électricité ou les cantines scolaires.
Face à ces mesures "choc", gageons que les autres orientations et mesures adoptées* devraient passer quasiment innaperçues.

Cauchemar en cuisine...
La fronde des socioprofessionnels concernés par la hausse de la TVA  de 7% à 10% ne s'est pas fait attendre. Et à la tête d'entre eux, les professionnels de la restauration, directement concernés par ce nouveau coup qui leur est porté, dans un contexte économique déjà très tendu pour ce secteur d'activité, touché de plein fouet par la crise. "On a une décision brutale, prise comme ça par le gouvernement", a réagi auprès de l'AFP Didier Chenet, le président du Synhorcat. "C'est faire fi de toutes les discussions que nous menons", a-t-il ajouté, précisant que cela "sacrifiera un nombre très important d'emplois".
Mieux encore, certains acquis sociaux antérieurs verraient leur disparition comme , la "prime TVA" de 2% du salaire brut annuel, consentie aux salariés en 2009 en échange de la baisse de la TVA. Celle-ci va "sauter", a déclaré M. Chenet. "Il est clair qu'il y aura un nombre d'emplois très important sacrifiés à terme (...) La profession avait jusqu'à présent menacé d'une destruction de 10.000 emplois dans le secteur par point de TVA supplémentaire. Ca va être la baisse du pouvoir d'achat des Français puisque les prix vont augmenter" a t-il déploré.

Le bâtiment tremble...
Autre secteur porteur de l'économie qui va être directement impacté par cette hausse brutale de la TVA de 7% à 10%, le BTP, dont les professionnels estiment que  le relèvement du taux intermédiaire de TVA en 2014 va entraîner "la perte d'au moins 20.000 emplois dans le secteur du bâtiment" ont vivement réagi les fédérations professionnelles du secteur concerné.
"Cette hausse pour les travaux d'entretien et de rénovation de logements est contraire à tous les engagements pris depuis des mois par le gouvernement et le président de la République, qui a même formellement démenti, le 19 octobre dernier, toute hypothèse de hausse de la TVA dans le bâtiment", a dénoncé la Fédération française du bâtiment (FFB) dans un communiqué.
Le patronat, sous la houlette du Medef, ne semble pas non plus convaincu par ces mesures. Laurence Parisot, sans toutefois vraiment se mouiller, a estimé que "jouer sur l'impôt sur les sociétés est une erreur. Ce qui pèse sur les entreprises, c'est le coût des facteurs de production en amont des résultats. C'est donc là qu'il faut agir. En amont non pas en aval", a t-elle affirmé.

Déshabiller Paul... pour habiller Jacques!
Ce qui est d'ores et déjà avéré, c'est que prendre ses vêtements à Paul pour habiller Jacques n'a concrètement jamais porté ses fruits. Réduire le pouvoir d'achat de la population en augmentant la TVA (taxe la plus injuste qui soit car touchant d'égale façon les plus riches comme les plus pauvres), en pensant aider les entreprises et relancer la consommation parait fort hasardeux, pour ne pas dire vain...
Et dans un tel contexte, les mesures héritées du rapport Gallois et avalisées par le gouvernement pour rendre leur dynamisme aux entreprises françaises, risquent grandement d'être frappées... d'improductivité!

Yannis Christophe GARCIA (avec Les Echos.fr)

* Parmi les autres mesures annoncées :
- La création d'une nouvelle fiscalité écologique (qui devrait rapporter 3 milliards d'euros environ)
- Une garantie publique pour les PME (sous la forme d'un fonds de 500 millions d'euros pour les PME en difficulté de trésorerie.
- La simplification de 5 démarches administratives pour les entreprises en 2013 (non précisées pour l'instant).
- La stabilisation sur la durée de 5 dispositifs fiscaux (crédit d'impôt recherche, les dispositifs favorisant la détention et la transmission d'entreprises, les jeunes entreprises innovantes (JEI), les incitations aux investissements dans les PME et la "contribution économique territoriale".
- Un objectif de 500 000 contrats d'alternance (apprentis) pour les jeunes (l'échéance n'est pas précisée).
- Lancement d'une "Marque France" pour promouvoir les produits nationaux.
- Exigence de contreparties vis-à-vis des entreprises (transparence sur l'usage des marges financières qu'elles dégageront par une information « régulière » des comités d'entreprises et  « un comité de suivi » du pacte associant l'Etat et les partenaires sociaux.
- Un projet de réforme bancaire qui sera soumis au Conseil des ministres du 19 décembre. Objectif: Tenir          l'engagement de campagne N°7, de François Hollande candidat, qui avait promis de séparer les activités des banques « qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi » de « leurs opérations spéculatives ».

 

 









* Les réactions dans la classe politique et syndicale

Gilles Carrez, président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale (UMP): "Le gouvernement reconnaît enfin qu'il y a un problème de compétitivité et de coût du travail, et que, pour baisser le coût du travail, il faut compenser avec la TVA. Tout cela va vraiment dans le bon sens, sauf que cela va à 180 degrés à l'inverse de ce qu'il nous disait il y a à peine quinze jours... Cherchez la cohérence ! »

Hervé Morin: Dans un communiqué, le leader du Nouveau centre fustige le manque de « courage politique » du gouvernement qui « a opposé aux entreprises françaises une fin de non-recevoir ». Ce gouvernement qui dit « non à une baisse massive du coût du travail»« non à la TVA sociale » et « non à l'expérimentation de nouveaux procédés sur les gaz de schistes » n'est « pas respsonsable de la crise mais sera seul responsable de la récession », selon lui.

- François Bayrou : « Pour ceux qui pensent que les marges des entreprises et le coût du travail sont des questions cruciales, notamment pour l'industrie dans notre pays, les décisions annoncées par Jean-Marc Ayrault doivent sûrement laisser perplexe », déclare le leader centriste sur iTélé... « Le risque d'usine à gaz est évident pour tout le monde. Et l'on voit bien que l'illisibilité menace l'effort national », regrette t-il. Cependant, « les autres mesures annoncées vont plutôt dans le bon sens » a t-il estimé.

- Pierre Laurent (PCF): « C'est un véritable coup de massue contre le pouvoir d'achat. Un choc oui, mais un choc avant tout pour celles et ceux qui, six mois après la défaite de Nicolas Sarkozy jour pour jour, attendaient autre chose que cette nouvelle cure d'austérité».

- Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif: "Le rapport de Louis Gallois devrait être lu par toutes les chaumières de France" (...) C'est la peinture de dix années qui viennent de s'écouler. (...) Il y a des responsables de tout cela", renchérit Arnaud Montebourg, qui ajoute, lors de la séance des questions au gouvernement: "Nous avons pas vocation à toujours encaisser des buts pour n'en jamais mettre dans l'économie, la croissance et l'emploi."

- Marine Le Pen (FN): Qualifiant les mesures du gouvernement "d'ultra-libérales", la présidente du FN a réagi vivement. « Ce sont des mesures imposées par le FMI», estime-t-elle, accusant le président de la République de faire du « sarkozysme de gauche ». Et de dénoncer le retour de « la TVA sociale »« C'est une démonstration supplémentaire que lorsque nous dénonçons l'UMPS nous avons raison puisqu'ils ont exactement les mêmes idées et les mêmes solutions à apporter », a poursuivi Marine Le Pen, en marge d'une conférence de presse au siège du FN à Nanterre.

- François Fillon (UMP): "Le gouvernement laisse passer l'ultime chance (...) de rectifier le tir de sa politique qui nous mène droit vers la récession. (...) En n'en reprenant qu'une partie et en renvoyant à 2014 la partie essentielle, c'est-à-dire la baisse des charges sociales à travers un système très complexe de crédit d'impôts, il renonce au choc de compétitivité. Il n'y aura donc pas de choc de compétitivité et comme il n'y aura pas de choc de compétitivité, il n'y aura pas de redressement de l'économie française en 2013», a t-il affirmé.

- CFE-CGC (syndicats des cadres): La CFE-CGC se dit réservée « sur l'impact du crédit d'impôt de 20 milliards d'euros »« Dans le contexte actuel, combien de chefs d'entreprise vont se lancer dans des investissements et l'embauche de salariés dans l'attente d'un impôt sur les sociétés minoré en 2014? », demande le syndicat, qui estime par ailleurs « le rejet du potentiel constitué par l'éventuelle exploitation des gaz de schiste est handicapant ».

- CFDT: Elle réclame des « contreparties pour les salariés »en matière de conditions de travail et de réduction de la précarité et de formations. « Le crédit d'impôt compétitivité-emploi doit donc être conditionné à la réussite de la négociation sécurisation de l'emploi et à l'obtention d'améliorations concrètes pour les salariés », a demandé Patrick Pierron, le secrétaire national du syndicat, dans un communiqué.

- Jean Claude Mailly, secrétaire général de F.O: "C'est une erreur (...) Je considère que prendre une logique d'abaissement de coût du travail, c'est une erreur de diagnostic économique, c'est une erreur sociale" a t-il affirmé.

- Mohamed Oussedik, chargé de l'industrie CGT: "Le crédit d'impôt reste dans une logique de baisser le coût du travail, or ce n'est pas le problème". Ce dernier s'inquiète en parallèle de la potentielle "usine à gaz" que représenterait le dispositif.

- Laurence Parisot, MEDEF: Une critique aussi formulée par le Medef. Si l'organisation patronale se refusait mardi matin à tout commentaire avant l'annonce des mesures, Laurence Parisot a anticipé dans les colonnes de Libération: "une grande déception""Jouer sur l'impôt sur les sociétés est une erreur. Ce qui pèse sur les entreprises, c'est le coût des facteurs de production en amont des résultats. C'est donc là qu'il faut agir. En amont non pas en aval", affirme-t-elle.