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Charles Giacomi : « En politique, on est là pour servir le peuple et aider les gens, pas pour se servir ! »


Nicole Mari le Samedi 11 Novembre 2017 à 21:18

A trois semaines du 1er tour des élections territoriales, le chef de file de la liste « Front national - Rassemblement pour une Corse républicaine », et maire de Pruno, Charles Giacomi, a profité de la date symbolique du 11 novembre pour présenter, à Folelli, ses premiers colistiers et dévoiler son programme et ses ambitions. Il explique, à Corse Net Infos, que l’économie doit se construire autour des atouts de l’île - l’agriculture, le tourisme et la forêt -, et part en guerre contre les travailleurs détachés. Fustigeant l’idée même de front républicain, il renvoie dos-à-dos tous les autres candidats, et entend bien renouveler l’exploit de 2015 où le FN avait raflé plus de 9% des suffrages et 4 sièges.



Charles Giacomi, maire de Pruno et tête de liste « Front national - Rassemblement pour une Corse républicaine » pour les élections territoriales des 3 et 10 décembre prochains.
Charles Giacomi, maire de Pruno et tête de liste « Front national - Rassemblement pour une Corse républicaine » pour les élections territoriales des 3 et 10 décembre prochains.
- Pourquoi avez-vous décidé de vous exprimer un 11 novembre ?
- Le 11 novembre, c’est, d’abord, un symbole de paix pour la Corse. Après 40 ans de malheur et de problèmes sur notre île, il m’a paru opportun de sceller définitivement la paix. Le 11 novembre est une date qui s’y prête. Il ne faut pas oublier ce qu’a été la guerre de 14. Ce fut une agression de Guillaume II, l’empereur d’Allemagne et roi de Prusse. Il ne faut pas oublier que des Corses sont partis se battre pour défendre la liberté. Si la France est occupée, la Corse l’est aussi. Les Corses se sont sacrifiés comme se sont sacrifiés les Américains, les Canadiens et les Anglais alors que c’était encore moins leur guerre ! Donc, il faut arrêter de manquer de respect à nos morts ! Trop de gens ont souffert ! J’ai voulu ce symbole pour que les Nationalistes fassent un geste, que Jean-Guy Talamoni remette le drapeau français au sein de l’Assemblée de Corse.
 
- Vous parlez de réconciliation. Que faut-il réconcilier?
- Les Corses entre eux ! Qu’il n’y ait plus ce problème des 40 dernières années entre les partis de gouvernement et les partis nationalistes ! Tout le monde connaît le contentieux. Il faut arrêter ! Je pense que nous sommes bien placés entre les deux parties pour essayer de régler les choses.
 
- Ne craignez-vous pas que les soubresauts internes du FN n’impactent votre score à l’élection territoriale ?
- Au point de vue national, il y a des recompositions dans tous les partis. Des gens décident de voler de leurs propres ailes, on l’a vu avec Philippot, mais ce sont des problèmes personnels par rapport à une ligne politique. Des partis, comme le Parti socialiste, n’existent plus. La droite est complètement divisée, une partie des Républicains gouvernent avec le pouvoir en place. Comprenne qui pourra ! Je voudrais, quand même, vous indiquer que, dans le dernier sondage connu, Marine Le Pen est à 22 %, elle est au-dessus des scores du 1er tour de la présidentielle. Cela veut dire que notre parti est en ordre de bataille !
 
- En Corse aussi ? La situation n’est-elle pas différente ?
- Oui ! C’est un peu différent ! Les comportements sont un peu irrationnels ! Je ne comprends pas certains Corses. Marine Le Pen n’a jamais gouverné personnellement, le FN n’a jamais gouverné régionalement. On vient perturber nos meetings alors qu’on ne perturbe pas les meetings des gens qui ont gouverné et qui ont posé des problèmes en Corse. Il faut arrêter ! Les gens sont manipulés par les médias continentaux qui font de la désinformation et de la propagande. Cette propagande a été très bien orchestrée par certains partis qui ont servi de relais, par des dossiers bien montés et, quelquefois, par des images subliminales. Mais tout cela commence à prendre fin. Les gens redescendent sur terre !
 
- Quel est votre thème de campagne ?
- Il est forcément économique. Les Nationalistes ont fait un bilan en trompe l’œil. Ça se comprend, ils n’ont travaillé que deux ans. Les constructions de leurs budgets et des comptes administratifs sont un peu empiriques, elles sont basées sur l’idéal et le dogme pour rassurer leurs arrières. Il faut construire autre chose, une économie, sans quoi la Corse ne s’en sortira pas ! Il y a entre 70 000 à 80 000 pauvres en Corse, ça ne peut pas continuer comme ça ! La Corse a besoin d’une politique d’entraide pour reformer la cohésion sociale, c’est-à-dire le travail, la santé, la culture, le sport… partagés par tous.
 
- Quelles mesures proposez-vous pour construire l’économie ?
- Il faut construire un schéma de développement économique en accord avec les huit agences et offices sur la base de nos atouts principaux : l’agriculture, le tourisme et la forêt. Relancer, par exemple, le secteur de l’agroalimentaire où notre balance commerciale est complètement déficitaire. Ce n’est pas acceptable avec toutes les terres qu’il y a en Corse ! Il y a des centaines d’emplois à créer. Il faut également revoir toutes les formations : l’apprentissage et la formation continue. La filière bois pourrait se développer en collaboration avec l’université de Corse en misant sur des innovations. Des domaines n’ont pas été exploités parce que les Nationalistes sont dans l’idéal. Ils pensent que ça va régler le problème de la Corse, ça ne le règlera pas !
 
- L’un des thèmes favoris du FN reste la lutte contre l’immigration et les travailleurs détachés. En quoi intéressent-ils la Corse ?
- Ces thèmes ne sont pas joints. Pour l’immigration, pas besoin de parler de la Corse ! Tout le monde voit ce qui se passe en France. On se prépare à un choc des civilisations parce que on n’arrive plus à intégrer, à assimiler. Ou on perd notre culture et on est emporté par la vague migratoire, ou on prend la décision de stopper l’immigration ! La question des travailleurs détachée est un peu plus grave parce que l’Etat s’en sert actuellement pour faire passer le budget sous la barre des 3% de déficit. En Corse, on dénombre entre 2600 et 3000 travailleurs détachés des pays de l’Est qui faussent complètement la concurrence dans l’attribution des marchés publics et détériorent l’activité de certains artisans ou petites entreprises. Ces gens sont détachés pendant 6 ou 8 mois et travaillent au taux de leur pays, c’est-à-dit 4 euros nets de l’heure ! Pour empêcher ça, il faut mettre des critères sociaux et environnementaux dans les appels d’offres. Je vais interpeller le Préfet en ce sens.
 
- Les vainqueurs du scrutin devront à partir du 2 janvier 2018 mettre en place la collectivité unique. Le FN n’était-il pas contre ?
- Non ! Que ce soit clair, le FN n’était pas contre ! Mais, il a une interprétation tout à fait différente de la construction d’une collectivité. Elle ne doit pas être construite pour faire des potentats locaux ! Tout le monde sait que c’est le cas ! Tout le monde ferme les yeux ! En plus, elle a été très mal négociée. Quand la Corse a demandé l’addition des budgets de la région et des deux départements, le ministre a répondu : « Non ! 1+1+1, ça ne fait pas 3, ça fait 2,5, vous devez faire des économies ! ». Mais, où allons-nous les faire avec les compétences que nous avons ? On va perdre des dizaines de millions d’euros de dotation. Qui va payer ? N’oublions pas la pauvreté de la Corse ! C’est là qu’il fallait être bon négociateur ! La dette risque d’approcher le milliard d’euros. Faire un emprunt, ce n’est plus possible ! Je me demande si on ne sera pas forcé de créer une caisse d’amortissement de la dette régionale. On ne pourra pas faire grand chose, c’est ce qui m’inquiète ! Quand on pousse à construire une collectivité, on ne le fait pas au désavantage de son peuple. Nous, nous sommes là pour aider le peuple !
 
- Que fallait-il faire alors ?
- Il faut faire des zones de relance pour aider les acteurs économiques et inverser la charge de travail. Quand on baisse le coût du travail, on relance l’économie, l’activité des commerçants, des artisans…, l’Etat ne paye rien. Quand on vend, quand on travaille, on la paye volontiers la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) si on a été aidé au départ ! C’est d’une logique comptable parfaite ! Voilà ce qu’il faut en Corse ! Pourquoi est-ce que la viticulture se défend bien ? C’est simple : TVA zéro et coût du transport Corse-Continent, également zéro TVA. C’est comme cela que la filière s’en sort.
 
- Presque tous les candidats se prononcent en faveur de l’autonomie. Quelle est votre position ?
- L’autonomie, oui ! Je n’ai jamais dit que j’étais contre l’autonomie, j’irais même peut-être encore plus loin sur le sujet. Mais, à condition de la construire différemment ! Construit-on l’autonomie pour faire des voix ou pour aider le peuple ? Regardez ce que donnent les Communautés de communes : elles vont directement dans le mur ! L’organisation territoriale de la Corse a été ratée ! C’est même une escroquerie démocratique ! On a posé la question de cette organisation à tout le monde, sauf aux Corses ! La collectivité unique a été construite dans les officines parisiennes qui ne pensent qu’à dominer les peuples ! Le peuple a été zappé parce qu’il aurait peut-être dit qu’il préférait autre chose. Au final, on crée des rois !
 
- Pour revenir au scrutin, que pensez-vous du Front républicain ?
- Je ne participerai à aucun front républicain ! Il ne faut pas en faire. Jamais ! C’est, d’ailleurs, le reproche que je ferai à Gilles Simeoni qui a accepté de faire le pacte républicain contre Marine Le Pen, maintenant que c’est contre lui, il n’apprécie pas ! Electoralement, le front républicain ne passe pas parce qu’il va à l’encontre de toutes les valeurs démocratiques. Les gens ne sont pas d’accord. Il faut les laisser voter comme ils en ont envie. Voilà où est la démocratie ! Comme tous les Corses, je suis un démocrate convaincu. Il ne faut pas tricher avec la démocratie sans quoi les gens ne croient plus en vous. Ils voient que les politiques ne courent qu’après les fauteuils ! Regardez les bagarres pour les places dans toutes les listes. Je suis pour limiter le nombre de mandats à deux pour que les gens recommencent à croire à quelque chose.
 
- Si vous êtes présents au 2nd tour, resterez-vous réfractaire à toute alliance ?
- Nous serons présents au 2nd tour ! Le pacte républicain, c’est des alliances contre-nature, ce n’est pas possible ! Mais il peut y avoir des alliances avec des gens qui pensent la même chose que vous, c’est encore permis ! Il peut y avoir des accords à droite, comme d’autres font des accords à gauche. A ce sujet, les Nationalistes n’ont pas de leçons à donner. Gilles Simeoni dit que l’indépendance n’est pas à envisager, et il fait alliance avec des Indépendantistes.
 
- Comptez-vous renouveler votre score de 2015 ?
- Nous comptons faire un très bon score. Pas pour nous, mais pour les Corses. A mon âge, je n’attends pas de carrière politique, je ne me bats que pour la Corse et pour le peuple de Corse. J’invite les gens à aller voter. Ils se sont désintéressés des scrutins parce qu’ils n’avaient plus confiance dans les élus. Il y a un principe simple : en politique, on n’est pas là pour faire ses affaires, on est là pour servir, pas pour se servir ! Il faut servir le peuple et aider les gens. Autrement, on fait des affaires, mais on ne fait pas de politique !
 
Propos recueillis par Nicole MARI.