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« Cabarets Corses, au temps des guitares » de Dominique Lanzalavi


José Fanchi le Vendredi 5 Décembre 2014 à 07:11

"Une chanson c’est peu de chose, mais quand elle se pose au creux d’une oreille, elle reste là, allez savoir pourquoi", chantait le poète…Et si précisément on parlait chansons ? Les nôtres bien sûr, celles que l’on fredonne à longueur de journée, celles de nos parents et grands-parents qui restent solidement accrochées à la mémoire. Elles qui enchantaient nos cabarets et autres bars qui avaient pour noms Pavillon bleu, Son des Guitares, Chez tao-By, U Fanale, le Roi Théodore et autres Rataghju qui ont merveilleusement bercé nos longues soirées d’antan. Chansons, chansonnettes, paghjelle, Chjami e rispondi, le riaquistu et autres éléments de notre culture que Dominique Lanzalavi vient de coucher sur un remarquable ouvrage édité par les éditions Albiana



« Cabarets Corses, au temps des guitares » de Dominique Lanzalavi
Solide travail que celui mené par cet éminent historien et documentariste qu’est Dominique Lanzalavi, fin connaisseur de la chanson corse et de ses variantes, de ses auteurs et de cette authentique traversée des générations, il a su réunir les ingrédients pour nous régaler d’histoires musicales de notre île et nous faire partager ces moments d’une nostalgie qui s’attache à notre âme.   
 
Ceux qui ont fait l’histoire 
Dominique Lanzalavi nous transporte à travers des centaines de pages et de photos qui ont marqué les années glorieuses de l’après-guerre, celles du temps des guitares et des chansons. De Tino Rossi à Antoine Ciosi en passant par Tony Toga et Charles Rocchi, d’Antoine Bonelli à Paulo Quilici en passant par la mandoline et la guitare de Charles et Ange Lanzalavi, Gaston Giordani, Jean Bozzi, Paul Bozzi « u Bandittu », de Tintin Pasqualini à Maryse Nicolai et autres Régina et Bruno Baccara, Jeannot Armani, Lucien Bocognano ou Xavier Franceschini, François Giordani, Hubert Tempête, Jean-Batti Scaglia, les frères Vincenti, Maguy Zanni, José Baldrichi, Jean Tavera, Michel Mallory, et bien d’autres, beaucoup d’autres. Il n’a oublié personne, même les plus discrets de nos musiciens et interprètes qui ont sillonné l’île et parfois les cabarets du continent et de l’étranger.
Le premier Son des Guitares de Marc Paoli « u Longu », celui d’Antoine Bonelli dit « boudda », le Pavillon Bleu de Paulo, le bar André de la rue Fesch, « Tao-By « de Calvi, le Fanale et le Rataghju de Bastia, le Roi Théodore de Porto-Vecchio, le restaurant Chez Charles à Corte, ainsi que le Grandval de « Stacchitonu » dont Jean-Claude Fieschi est le digne héritier, sans oublier surtout les bars, cantines et cafés qui étaient de véritables espaces dédiés à l’expression musicale.
Un inventaire qui fait tourbillonner notre mémoire nostalgique, mais surtout un travail de fourmi, de connaisseur, des rencontres, des souvenirs évoqués avec les plus anciens, il s’est accroché avec détermination à la rédaction de cette véritable encyclopédie de la chanson corse qui fait chaud au cœur.

L'esprit, l'ambiance, l'enthousiasme…

- Comment vous est venue l’idée d’un tel ouvrage ?
- Je suis historien de formation, réalisateur de documentaire, mon métier de base (ouvrage sur Moro-Giafferri- Ed. Albiani 2011) mais aussi et surtout parce que je suis issu d’une famille de musicien. Mon cousin Ange Lanzalavi, mandoliniste, mon oncle Charles et mon cousin Pierrot guitaristes, j’ai donc baigné dans ce domaine et j’ai grandi à côté du Rataghju de Tintin Pasqualini à Bastia. Une jeunesse d’ambiance de chants et de guitares. Tout cela, les Editions Albiana le savaient et ils m’ont simplement demandé de coucher tous ces souvenirs sur le papier, d’en faire un livre compte tenu de ma formation.

Vous êtes pourtant jeune et loin de ces années-là ?
- C’est ma foi vrai, mais j’ai bien connu…Disons la fin de cette époque, dans les années quatre-vingt, lorsqu’on sentait la fin proche de cette merveilleuse aventure qui m’a longtemps été évoquée par des gens comme Jacky Nicolaï ou Jean-Michel Panunzi, Tintin Pasqualini bien sûr. A mon âge, je ne peux pas être de cette génération des cabarets mais j’ai tout de même perçu cet esprit, cette ambiance, cet enthousiasme dont on m’a tant parlé, véritable phénomène de la nuit insulaire.

- Vous êtes tombé amoureux de cette Corse là ?
- Forcément, à entendre les chansons, les interprètes, les musiques, on ne peut que succomber à pareille ambiance. Avec ce qu’on ma raconté dans le détail, j’ai imaginé ce que pouvaient être les soirées festives de cette époque, un peu partout en Corse où fleurissaient tous ces cabarets qui, il faut bien l’admettre, accompagnaient forcément le développement du tourisme. J’ai voulu retranscrire cette authentique épopée de la chanson corse, de la ritournelle que chacun fredonne avec un infini plaisir. 

Que dire alors des Corses de la diaspora ?
- Dire tout simplement qu’ils ont avantageusement participé à ce mythe de la chanson Corse lorsqu’ils sont partis vers d’autres horizons. Les cabarets les ont suivis un peu partout dans le monde. Le phénomène s’est étendu aux quatre coins du globe; partout où il y avait des Corses, la guitare était accrochée au mur et la chanson n’était pas loin. Ceux qui ont vécu cette époque savent… 


Vous considérez que la chanson corse possède un véritable répertoire ? 
- Certainement, car ce phénomène s’est obligatoirement accompagné d’un authentique répertoire corse, avec beaucoup d’auteurs, beaucoup d’interprètes, une véritable éclosion d’artistes. Ce répertoire qui, dans les années soixante-dix, s’est un peu confronté au riaquistu. Tout est rentré dans l’ordre par la suite et chacun a trouvé sa place dans le cœur des insulaires.
Aujourd’hui, lorsque je vais à leur rencontre, ils considèrent qu’ils ont été formés en même temps par cette musique des cabarets. En fait, ils ont tous grandi dans cette ambiance. Même s’ils n’ont pas chanté sur scène, ils se sont toujours exprimés, même à « l’appiatu » en privé… 


- « Cabarets corses-au temps des guitares » est en quelque sorte un hommage, un hymne à la chanson corse ?
- J’ai rencontré énormément de gens qui ont vécu cette époque des cabarets, certains en sont même les concepteurs. Le livre est avant tout un recueil de témoignages à travers lequel j’ai retracé une chronologie de ce phénomène, mais toujours à partir de témoignages de personnes ayant connu et vécu cette époque et auprès desquelles j’ai également recueilli près de trois mille photos dont plus de 800 illustrent cet ouvrage. Ils méritent qu’on en parle, qu’on leur consacre une sorte d’hommage pour ce qu’ils ont apporté à notre culture.»
Il se dégage de la magie de ce livre, on feuillette, on s’y plonge comme dans bain de culture d’où les souvenirs refont surface et éclaboussent notre quotidien. Dès lors, la magie opère.
J. F.


Né en 1970, Dominique Lanzalavi est documentariste pour la télévision. La plupart de ses films traitent de sujets historiques comme la libération de la Corse, les républicains espagnols, les élites corses de la Troisième République, Le grand Moro... Cet historien de formation, également détenteur d’un DESS en communication de l’I.A.E. d’Aix-en-Provence, a poursuivi ensuite son parcours dans l’audiovisuel, notamment comme communicant à l’INA et à M6, puis comme journaliste et chroniqueur à France 5 avant de se consacrer à la réalisation. Il a publié en 2003 Corse, les voies de l’avenir en collaboration avec Emmanuel Bernabeu-Casanova. Vincent de Moro Giafferri : défendre, l’homme, toujours est son deuxième ouvrage.