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CGT : « La réforme constitutionnelle peut être un danger pour les Corses »


Nicole Mari le Lundi 30 Septembre 2013 à 20:27

Après le vote, vendredi dernier, à l’Assemblée de Corse (CTC) du projet de réforme constitutionnelle qu’il réprouve et avant sa rencontre, vendredi prochain à Bastia, avec le conseiller social de François Hollande pendant la courte visite présidentielle, le syndicat CGT a tenu à mettre les choses au point. Il présente un plan d’action pour parer l’urgence sociale. Explications, pour Corse Net Infos, de Jean Pierre Battestini, secrétaire départemental CGT-Haute-Corse.



Jean-Claude Graziani, secrétaire régional, Antoine Mandrichi, secrétaire général de la CGT Energie Corse, Jean Pierre Battestini, secrétaire départemental CGT-Haute-Corse.
Jean-Claude Graziani, secrétaire régional, Antoine Mandrichi, secrétaire général de la CGT Energie Corse, Jean Pierre Battestini, secrétaire départemental CGT-Haute-Corse.
- Pourquoi avez-vous demandé à rencontrer le conseiller social de François Hollande ?
- D’abord, nous saluons la présence du président de la République et, peut-être, du roi du Maroc pour commémorer le 70ème anniversaire de la libération de la Corse. C’est un acte fort, y compris pour nos camarades marocains travaillant en Corse. Il permettra, peut-être, de dire certaines vérités et de faire reculer le racisme qui, malheureusement, gagne du terrain dans l’île. En même temps, nous rencontrons le conseiller social pour lui présenter nos propositions.
 
- Quelles propositions ?
- Nous ferons des propositions concrètes pour dire que, si l’on veut sortir la Corse du sous-développement économique et des griffes de la mafia, il faut renforcer les services publics et les contrôles des fonds publics. Certaines mesures, comme la réduction de la TVA sur certains produits, peuvent être appliquées très rapidement sans attendre une éventuelle évolution constitutionnelle qui, peut-être, n’apportera pas tout ce que les gens attendent. Ce sont des mesures urgentes qu’il faut prendre. On a déjà trop attendu !
 
- Quelles mesures spécifiques allez-vous réclamer pour la Corse ?
- Des mesures par rapport à la cherté de la vie et aux bas salaires. Le renfort de l’Inspection du travail pour faire appliquer le code de travail en Corse où les salaires sont trop bas parce que les conventions collectives sont bafouées. La suppression de la TVA sur les produits alimentaires (2,1%) pour faire baisser les prix. Nous voulons une mesure forte et pérenne pour aligner le prix de l’essence sur celui du continent. Concernant le logement qui est en grande difficulté, nous demandons une taxe sur les grosses successions pour financer l’établissement public foncier et donner un prêt à taux zéro jusqu’à 150 000 € pour des jeunes qui veulent se loger pour la 1ère fois.
 
- Croyez-vous vraiment que François Hollande, qui fait preuve d’autisme sur la Corse et n’a pas tenu ses promesses nationales, vous entendra ?
- C’est vrai qu’il a l’oreille droite beaucoup plus ouverte que l’oreille gauche ! Le MEDEF est mieux écouté que nous ! Nous avons voté pour lui au 2nd tour dans le but de chasser Sarkozy qui avait fait beaucoup de mal au niveau social et qui avait méprisé les syndicats. François Hollande est plus attentif, mais ses engagements de lutter contre la finance ne sont pas tenus. La pression de Bruxelles est forte. Mais, il faut se mobiliser. Rien ne changera si les gens ne se mobilisent pas pour qu’il y ait un rééquilibrage de l’Europe, de la France et même de la Corse. La CTC doit prendre des mesures sociales fortes.
 
- Pourtant, les manifestations n’ont pas infléchi la politique du gouvernement. N’êtes-vous pas inquiets de la nouvelle hausse d’impôt qui se profile ?
- Nous ne pouvons qu’être inquiets sur la fiscalité. D’autant qu’il y a beaucoup de fraude. La fraude sur la TVA s’élève à 32 milliards € sur le plan national. On peut penser qu’en Corse, elle atteint au moins 100 millions €. Si on luttait contre les gros fraudeurs qui sont les grosses entreprises, il y aurait largement de quoi financer des mesures sociales. Il y a des moyens de trouver des recettes pour financer les retraites sans toujours prendre, injustement, dans la poche des familles modestes et moyennes. Il faudra bien que, sur cette question-là, on se fasse entendre.
 
- Justement, pour les retraites, que pensez-vous de ce gouvernement de gauche qui fait pire que le précédent ?
- Nous sommes logiques avec nous-mêmes. Nous sommes honnêtes avec les salariés. Ce que nous n’avons pas accepté de Nicolas Sarkozy, nous ne l’accepterons pas de François Hollande qui perpétue et aggrave les réformes de Sarkozy ! Porter la durée de cotisation à 43 ans pour des jeunes qui rentrent sur le marché du travail à plus de 25 ans et en sont virés quand ils en ont 50, c’est une double peine ! Cette baisse des pensions n’est pas une mesure que nous pouvons accepter et que nous continuerons de combattre tant que nous pourrons.
 
- Pourquoi êtes-vous contre le vote de la réforme constitutionnelle qui a eu lieu vendredi ?
- Nous ne sommes pas contre ! Nous en prenons acte ! Même s’il est très large, il ne règlera, ni dans l’immédiat, ni dans un futur plus lointain, les problèmes que rencontrent des milliers de Corses, chaque jour. Les avancées, que nous avons obtenues pour la Corse, l’ont été sans réforme constitutionnelle, par des luttes où la CGT a été très présente. Ne serait-ce que les 180 millions € donnés par l’Etat pour l’enveloppe de continuité territoriale ou la prime de transport pour 50 000 salariés insulaires ou encore des réductions de TVA ! Il faut faire attention que cette réforme ne soit pas qu’un leurre. Les gens attendent des mesures concrètes et rapides sur les prix, le logement, les salaires et l’emploi. Ce vote ne garantit rien. Compte tenu des orientations européennes, la réforme peut même être un danger pour les Corses.
 
- En quoi serait-elle dangereuse ?
- Même si nous ne sommes pas contre une décentralisation poussée, elle donne à la CTC plus de compétences. Certaines d’entre elles peuvent remettre en cause le code du travail. Quand on voit l’acharnement de certains élus à remettre en cause le droit de grève, les conventions collectives ou le SMIC, on peut être inquiet sur des compétences nouvelles qui pourraient être attribuées au niveau régional.
 
- Vous demandez à la CTC d’agir plus, tout en refusant l’extension de ses compétences. N’est-ce pas contradictoire ?
- Pendant les grèves de 1989 et de 1995, des contremanifestations patronales demandaient une solution globale pour la Corse. Des solutions contre les salariés grévistes, contre la prime de transport que certains qualifiaient de « coloniale ». Aujourd’hui, on a l’impression que ces contremanifestants sont mieux entendus que les salariés avec des remises en cause importantes des services publics, du droit de grève et du droit social. Et puis, ces prérogatives nouvelles, avec quels moyens financiers vont-elles s’exercer ? Si la dotation de l’Etat diminue, il faudra lever de nouveaux impôts en Corse. Qui va les payer ? Ce seront toujours les salariés et les familles modestes. Le rapport de forces est, aujourd’hui, en défaveur des salariés. Il faudra être très vigilant.
 
- Vous êtes également contre le statut de résident. Pourquoi ?
- Est-ce, parce qu’on ne pourra vendre qu’à des résidents, que les Corses pourront s’acheter une maison à 400 000 € ? On ne le pense pas ! Il faudra, en plus, faire attention à ce que les salariés ne soient pas traités de manière différente. Pour nous, il n’est pas question que le droit social traite différemment un salarié, qu’il soit d’origine corse ou non. Nous avons d’autres propositions pour augmenter les salaires et baisser les prix de l’immobilier afin que les Corses accèdent au logement. Nous en reparlerons concrètement quand cette question entrera en débat. On verra que le statut de résident est encore un leurre qui risque d’enrichir les Corses qui sont déjà très riches.
 
Propos recueillis par Nicole MARI