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Bastia : Patrick Deville récompensé pour son œuvre


Odile AURACARIA le Lundi 24 Novembre 2014 à 19:29

Samedi soir, un peu avant le gala de clôture du Festival Arte Mare, Patrick Deville se voyait remettre dans la salle des congrès du théâtre, le Prix Ulysse pour l'ensemble de son oeuvre. Sur scène, Patrick Deville était accompagné de François-Michel Durazzo qui menait les débats et de la comédienne Marie-Joséphine Susini (Zouzou) qui a lu plusieurs extraits de "Viva" dernier roman de l'auteur.



Bastia : Patrick Deville récompensé pour son œuvre
Viva" est le cinquième livre de la série "Sic Transit Gloria Mundi" (Ainsi passe la gloire du monde) qui en comptera dix. Sont donc déjà parus à ce jour, aux éditions du Seuil dans la collection Fictions & Cie : "Pura Vida, Vie et mort de William Walker", "Equatoria", "Kampuchéa", "Peste et choléra" et "Viva".

François-Michel Durazzo, dans son introduction, faisait remarquer que ce Prix Ulysse était très judicieusement décerné à Patrick Deville qui est un écrivain voyageur à l'oeuvre foisonnante. Ce dernier livre "Viva" conduit le lecteur au Mexique, pays dans lequel s'est rendu Patrick Deville qui marche toujours sur la trace des personnages de ses livres, ici plus particulièrement Trotsky et Malcolm Lowry. Mais l'auteur est aussi allé en Orient, en Afrique, en Amérique Latine à maintes occasions...
Patrick Deville s'est lancé dans la rédaction d'une longue série de livres depuis dix ans. Il définit lui même ses oeuvres comme étant des romans d'aventures sans fiction. Ce sont des romans au point de vue de l'écriture et de la langue. Ces livres ont la particularité de tous débuter en 1860 et de se terminer de nos jours. C'est une sorte de forage littéraire sur un siècle et demi, avec des personnages qui reviennent de livre en livre parfois. On y retrouve beaucoup d'écrivains, de peintres, de scientifiques mais aussi des anonymes. Ces livres interrogent sur l'idée d'utopie, de progrès. Il n'est pas obligatoire de les lire dans leur ordre de parution, car ils sont indépendants les uns des autres.
Patrick Deville travaille à plusieurs de ses livres simultanément.
En ce qui concerne "Viva", les deux personnages principaux sont Trotsky et Malcolm Lowry. D'un côté donc un homme ayant rempli un rôle capital dans la politique, très engagé dans l'histoire son pays, et d'autre part un écrivain, admirateur de Trotsky, qui aurait bien aimé jouer un rôle de premier plan en s'engageant par exemple au côté des républicains pendant la guerre d'Espagne, mais qui ne l'a pas fait car il a été occupé pendant des années à écrire son chef d'oeuvre, lu et apprécié dans le monde entier "Au-dessous du volcan".
Trotsky est quant à lui devenu un personnage mythique à cause de son assassinat le 21 août 1940, à Mexico, d'un coup de piolet à l'arrière du crâne. Sa maison-musée du quartier de Coyoacàn restera inchangée après sa mort témoignant de l'existence de cet homme politique et révolutionnaire en exil.
Ces livres de Patrick Deville tendent à démontrer qu'au delà des échecs, des batailles, des morts, ce qui subsiste c'est l'œuvre!

Quatrième de couverture 
"En brefs chapitres qui fourmillent d'anecdotes, de faits historiques et de rencontres ou de coïncidences, Patrick Deville peint la fresque de l'extraordinaire bouillonnement révolutionnaire dont le Mexique et quelques-unes de ses villes (la capitale, mais aussi Tampico et Cuernavaca) seront le chaudron dans les années 1930.
Les deux figures majeures du roman sont Trotsky, qui poursuit là-bas sa longue fuite et y organise la riposte au procès de Moscou tout en fondant la IVe Internationale, et Malcolm Lowry, qui ébranle l'univers littéraire avec son vertigineux "Au-dessous du volcan". Le second admire le premier; une révolution politique et mondiale, ça impressionne. Mais Trotsky est lui aussi un grand écrivain, qui aurait pu transformer le monde des lettres si une mission plus vaste ne l'avait pas requis.
On croise Frida Kahlo, Diego Rivera, Tina Modotti, l'énigmatique B. Traven aux innombrables identités, ou encore André Breton et Antonin Artaud en quête des Tarahumaras. Une sorte de formidable danse macabre où le génie conduit chacun à son tombeau. C'est tellement mieux que de renoncer à ses rêves."

Deux extraits lu par Marie-Joséphine Susini :
TROTSKY , "De Tampico à Mexico"
"Au bas de l'échelle de coupée du Ruth, pétrolier norvégien sur lest, on remet au proscrit Trotsky le petit pistolet automatique confisqué à l'embarquement trois semaines plus tôt. Celui qui a commandé l'une des armées les plus considérables du monde glisse dans une poche tout ce qui reste de sa puissance de feu. C'est un homme d'âge mur, cinquante-sept ans, les cheveux blancs en bataille, à son côté sa femme aux cheveux gris, Natalia Ivanovna Sedova. Ils sont pâles, éblouis par le soleil après la pénombre de la cabine. On voit sur une photographie Trotsky se coiffer d'une casquette de golf blanche et peu martiale. Sur le quai, les accueillent un général en grand uniforme et quelques soldats, une jeune femme aux cheveux noirs tressés montés en chignon. On les accompagne vers la gare de Tampico."

LOWRY, "L'ennemi de la classe débarque à Acapulco"
"Et pour lui les choses ne vont pas très fort non plus côté couple. Il vient de quitter Hollywood où il a cherché en vain un petit contrat de scénariste. Jan et Lowry débarquent du paquebot Pensylvania au milieu d'un grand nuage de papillons jaunes qui tourbillonne sur les eaux bleues du Pacifique. Ils entrent en baie d'Acapulco le premier novembre, el Dia de Todos los Santos, ou peut-être le deux, el Dia de los Difuntos, traversent le port parmi les cérémonies funèbres et les musiques joyeuses, les pétards, les tambours et les fumigènes rouges et verts et blancs. Les deux gringos dont les bagages sont constellés d'étiquettes se dirigent vers l'hôtel Miramar. Les hauts talons des escarpins rouges se tordent aux ornières. Jan, dont il fera Yvonne dans le Volcan, est de "ces femmes d'Amérique à l'agilité gracieuse dans l'allure, au visage clair et radieux d'enfant sous leur hâle, au grain fin de la peau luisant d'une lumière satinée."
Lowry a vingt-sept ans, un physique de boxeur, les doigts trop courts pour atteindre l'octave au piano comme à l'ukulélé. Il vient de subir sa première cure de désintoxication alcoolique."


A noter que la comédienne Marie-Joséphine Susini (Zouzou) donnera la représentation de son spectacle "Gelsomina" le samedi 13 décembre 2014 à 22 heures au Tavagna Club de Talasani.