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Bastelica : Marie-Noëlle Ottavi, l'humanitaire au cœur


Jacques RENUCCI le Samedi 11 Novembre 2017 à 18:01

De Centrafrique au Nigéria, la jeune anthropologue insulaire développe des programmes pour lutter contre la sous-nutrition



Bastelica : Marie-Noëlle Ottavi, l'humanitaire au cœur
Marie-Noëlle Ottavi a un trait de caractère qui apparaît au premier contact : elle n'aime pas se mettre en avant. Si elle le fait, c'est pour illustrer une expérience, un engagement, avec la générosité de ceux qui n'ont qu'eux mêmes à offrir. « Je ne suis que la porte-parole d'un travail », dit-elle, un travail qui concilie l'action humanitaire de terrain et la recherche anthropologique. Comment en est arrivée là la petite fille qui, à sept ans, enregistrait à la maison une chanson de sa composition : « Luttons contre les maladies », et qui se trouve aujourd'hui au cœur de la lutte, entre autres, en Centrafrique et au Nigeria ? Selon elle, ce parcours n'a rien d'exceptionnel.


Un contexte difficile
Comme ceux qui, à pas encore 38 ans, ont eu l'équivalent de plusieurs vies, elle peut jeter un regard en arrière. « Nous sommes des milliers à avoir fait le même cheminement. Lorsque nous nous trouvons dans notre communauté d'humanitaires, nous n'avons pas l'impression que notre choix est bizarre, même si beaucoup de personnes le jugent ainsi, dans la société civile en général et dans la société corse encore plus. »
Avec un doctorat d'anthropologie comme bagage, Marie-Noëlle Ottavi intègre le milieu universitaire, puis elle s'oriente vers le secteur privé,  en tant que consultante pour une période de deux ans. Comme si elle cherchait sa place, et à définir son attirance « pour l'altérité et le voyage au plus proche de nous». Lors d'un séjour en Indonésie, pourtant, les contours d'un autre engagement se dessinent. « Je me suis rendue compte des liens possibles entre anthropologie et humanitaire », précise-t-elle. Elle reprend ses études, par une formation à l'institut Bioforce, structure de formation humanitaire de référence.



Sa première expérience ?
En 2016, un contrat de cinq mois en République centrafricaine (RCA) pour la Croix Rouge française et Première urgence internationale, pour une approche anthropologique de la sous-nutrition. « Il s'agissait de développer une étude en termes de dynamique et de représentation culturelles, parce qu'en RCA comme en d'autres destinations, les programmes humanitaires trouvent vite leurs limites et ne fonctionnent pas toujours comme ils le devraient. Cette étude, menée aussi pour Action contre la faim, propose une méthode d'évaluation dont, en tant que consultante, j'ai structuré le protocole », développe Marie-Noëlle Ottavi.
Un premier contact avec une réalité difficile, dans des lieux pourtant magnifiques. Elle poursuit : « Quatre mois plus tard, Action contre la faim m'a demandé de faire la même étude, mais dans le nord du Nigeria. » On passe du champ de guerre entre milices locales de Centrafrique à l'arrière de la zone de conflit avec le groupe djihadiste Boko Haram, ce qui donnera à la jeune femme l'occasion de devenir l'experte des études LINK NCA en zone de conflits. « Le principe est toujours le même : établir une base anthropologique sur les causes de la sous-nutrition. Un beau succès, à tel point qu'un programme pilote a été redéfini dans le mois qui a suivi la fin de l'étude que nous avons réalisée. En toute modestie, je suis très fière de cela. »


Un réel manque de moyens
Pourquoi celle qui fut l'une des premières en France à présenter une thèse sur l'anthropologie de la coopération, et qui l'enseigne, n'écrirait-elle pas un ouvrage sur ses expériences de terrain ? Ce livre, en plus de son intérêt documentaire, pourrait susciter çà et là des orientations généreuses... Mais Marie-Noëlle Ottavi n'en est pas encore là. Après la courte parenthèse des fêtes de fin d'année, où elle rejoindra sa mère Dominique à Bastelica, elle devrait reprendre le chemin de la RCA pour une année, afin de diriger un projet de Mobilisation Communautaire où elle aura sa propre sous-équipe de recherche. Ce programme humanitaire, lui aussi pilote, est issu de l'étude qu'elle mena dans la région plusieurs mois auparavant. Elle pourra ainsi appliquer les recettes qu'elle a préconisées dans ses travaux. Mais un tel projet ne se met pas en place sans difficulté.


Elle explique . « Qui parmi nous n'est pas prédisposé à être dans le combat pour l'altérité ? Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Ce combat, nous le menons sur plusieurs fronts : à Paris, à l'université de Nice où je donne des cours, en RCA, au Nigeria. Nous avons nos incertitudes au niveau de la politique nationale, européenne et locale, sans parler des autorités politiques qui nous sont propres. La situation est difficile. A l'heure actuelle, l'humanitaire manque de moyens, et, pour faire des économies, on taille d'abord dans les équipes de recherche. Voilà quarante ans que l'humanitaire ainsi conçu privilégie l'action au détriment d’une certaine réflexion, ce qui implique un risque de régression. L'aventure humaine et intellectuelle d'un tel engagement a besoin de lucidité, de prospective, donc d'un socle conceptuel. »


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