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Arrêtés Miot : Corsica Libera appelle à un référendum


Nicole Mari le Mardi 15 Janvier 2013 à 00:21

La mobilisation se poursuit après l’abrogation surprise par le Conseil Constitutionnel des Arrêtés Miot. Pour les nationalistes de Corsica Libera, cette censure, au-delà du chaos qu’elle provoque, est le moyen de réaffirmer leurs positions de principe. Se félicitant de l’initiative du Collectif pour un statut fiscal corse, ils demandent à l’Assemblée de Corse (CTC) de se saisir, de nouveau, de ce dossier avec la plus grande détermination pour inclure, dans le projet rectificatif de finances, la prorogation de l’exonération sur les successions. Estimant qu’une réforme constitutionnelle est plus que jamais vitale pour l’avenir de la Corse, ils appellent à un référendum local, organisé par la CTC, et à l’union de tous les élus. Mais là, rien n’est moins sûr…



Arrêtés Miot : Corsica Libera appelle à un référendum
« On ne peut rien faire sans une révision de la Constitution française ! ».
Après les nationalistes modérés de Femu a Corsica, le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi, et certaines voix de gauche, comme celle de la socialiste Emmanuelle de Gentili, c’est au tour de Corsica Libera de remonter au créneau pour réaffirmer, par la voix de son élu territorial, Jean-Guy Talamoni, la nécessité d’une réforme constitutionnelle du statut de l’île. « S’agissant de la langue corse, du pouvoir normatif de la CTC, de la question foncière, y compris de la question fiscale comme viennent de le démontrer la décision prise par le Conseil Constitutionnel et la situation créée par cette décision, il faut une révision de la Constitution pour une réforme audacieuse et pour faire droit aux demandes déjà formulées par la CTC », assène-t-il.
Un peu comme si la censure brutale et irrationnelle du Conseil Constitutionnel avait définitivement remis la question de l’émancipation vis-à-vis des instances parisiennes au centre du jeu politique, tordant le cou aux voix discordantes qui disaient qu’en pleine crise économique, il y avait d’autres urgences. Les 9 Sages de la haute institution ont-ils eu conscience de mettre le feu aux poudres quand ils ont pris cette décision inattendue ou, la Corse étant encore plus loin de la capitale qu’elle n’y paraît, n’ont-ils pas fait preuve d’une légèreté bien coupable, comme le martèlent Alain Spadoni, le président des Conseil régional des Notaires et le Collectif de la société civil pour un statut fiscal corse !
 
Un désaveu cinglant
Le problème est que tous les signaux qui viennent de Paris sont au rouge. Qu’ils soient émis par les membres du gouvernement, comme le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ou par les députés de la majorité, comme leur chef de file, Bruno Le Roux, ils déclarent, tous, que la réponse continentale à une réforme constitutionnelle insulaire est un : Non net et sans ambages.
Le fait d’euthanasier, sans raison valable, une exonération fiscale en sursis, qui était, de toute façon, condamnée à mourir d’une mort lente, apparaît comme un nouveau désaveu politique cinglant à la réflexion engagée par la nouvelle mandature de la CTC depuis deux ans et la volonté affichée par le président de l’Exécutif sur des sujets majeurs comme la coofficialité de la langue, le statut de résident, la question foncière, le PADDUC et la réforme institutionnelle censée les valider. Le silence du président de la République, qui, quand il était encore simple candidat, avait promis, en substance, de donner à la Corse ce qu’elle demanderait, est de tout aussi mauvais augure. Difficile, dans ces conditions, d’envisager d’obtenir l’aval des 3/5ème du Parlement pour engager une révision constitutionnelle.
 
La volonté corse
Pourtant Corsica Libera, comme une partie de la gauche progressiste insulaire, veut encore y croire, mais pas forcément pour les mêmes raisons. Difficile pour le parti de la majorité de désavouer un gouvernement, guère pressé de tenir ses promesses, à laquelle on se raccroche contre vents et marées.
Pour les Nationalistes, l’enjeu est tout autre. Pas question que Paris décide de l’avenir de la Corse. C’est aux Corses, et aux Corses seuls, qu’il appartient de dire ce qu’ils veulent et de l’imposer. C’est le credo de Corsica Libera et la raison majeure de sa neutralité bienveillante envers l’Exécutif de la CTC. L’urgence, pour le groupe nationaliste, est de terminer le travail entrepris et d’engager la campagne pour le référendum avec le soutien d’un maximum d’élus territoriaux. « La priorité des priorités, aujourd’hui, c’est que les élus de la Corse parlent d’une seule voix. Ils doivent dire ensemble ce qu’ils veulent et le dire fortement dans les semaines qui viennent. Ensuite, la CTC doit consulter les Corses par référendum dans les mois-à-venir. Cela nous paraît indispensable ! Si l’ensemble des élus et si les Corses disent avec détermination, à travers une forte majorité, ce qu’ils veulent, il sera très difficile à Paris de s’y opposer politiquement et de s’y opposer longtemps ! », répète, inlassablement, Jean-Guy Talamoni.
 
L’espoir de convaincre
Mais là, encore, la bataille est loin d’être gagnée. A part les groupes nationalistes qui militent en, bloc, pour une réforme du statut de l’île, tous les autres partis politiques, droite comme gauche, sont minés par des divergences internes. L’entourage même de Paul Giacobbi est divisé et frileux, même s’il a, à plusieurs reprises, dans les dossiers majeurs de la langue, du foncier, du transfert de fiscalité.., voté, pour cette réforme.  « Il est important de poursuivre le dialogue avec ceux qui sont encore réticents. Nous avons l’espoir de convaincre ceux qui n’ont pas encore rejoint le camp de la réforme. Je pense notamment à certains élus de gauche qui ne sont pas encore convaincus, à certains élus de droite qui n’ont pas encore de position cohérente à la CTC », plaide le leader de Corsica Libera. Pour lui, « l’espoir » réside dans cette union.
 
Une union difficile
Une union sacrée dont la Corse aurait bien besoin et qui, pourtant, fait défaut sur le sujet, que l’on aurait pu penser, entre tous, consensuel, à savoir la prorogation des Arrêtés Miot. A part l’exception communiste qui, dans son credo de faire payer les riches, enferme les petits et moyens revenus dans une impasse, la récente réunion de la Commission Chaubon et de la Commission des finances, à Corte, a révélé plus de divergences que d’esprit d’unité.
Malgré les déclarations lénifiantes des deux présidents, aucun accord n’a été trouvé. Le gouffre reste béant entre les nationalistes qui, soutenus par une large partie de la société civile, veulent faire reculer le gouvernement et une partie de la gauche qui atermoie et fait le dos rond en proposant des solutions de compromis qui ne règlent rien, pendant que la droite essaye de se tirer du bourbier où ses alliés nationaux l’ont plongée, en visant la loi rectificative de finance. 
 
Une motion refusée
« Nous pensons qu’il faut, dans un premier temps, geler la décision qui a été prise. C’est très complexe sur le plan juridique en France, mais nous y avons travaillé, à travers la Commission Chaubon. Et, puis, notre position de fond est le transfert de la fiscalité du patrimoine à la CTC, simplement pour rétablir l’exonération pour toutes les successions normales, c’est-à-dire les petites et moyennes successions, en taxant, parce que cela est juste, les très grosses successions. Nous avons fait des simulations qui montrent qu’en taxant uniquement ces très grosses successions, nous aurions des rentrées fiscales comparables à celles qui seraient attendues du droit commun », explique Jean-Guy Talamoni.
Pourtant, la motion, déposée par Gilles Simeoni au nom du groupe Femu a Corsica, lors de cette réunion, et réclamant la prorogation des Arrêtés Miot jusqu’au 31 décembre 2017 et le transfert à la CTC de la compétence fiscale en matière de droits de succession, n’a pas été votée par les élus des deux Commissions. Les Nationalistes modérés, qui se sont joints à l’appel du Collectif civil à une grande manifestation populaire, multiplient, pour leur part, les réunions publiques afin de sensibiliser la population.
Cette question des Arrêtés Miot est, au final, plus emblématique, qu’elle n’y paraît. Elle va démontrer, au moment où la CTC tente d’esquisser, tant bien que mal, l’avenir de l’île pour les 20 prochaines années sur fond de violence spéculative et de dépossession foncière, la capacité des Corses et de leurs élus à se mobiliser ou non, ensemble, pour sauvegarder les intérêts communs ou si les clivages partisans et particuliers auront raison du bien collectif !
 
N.M.