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A Ponte Novu, Jean-Michel Baylet se pose en défenseur des intérêts du peuple corse et de la ruralité


Nicole Mari le Lundi 19 Décembre 2016 à 21:12

En visite de deux jours en Corse, Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, a débuté par le Centre Corse où il a inauguré, à Ponte Novu, la Maison des services publics de Castellu-di-Rustinu, avant de gagner la Balagne pour y signer un contrat de ruralité. Il fait, pour Corse Net Infos, le point sur le chemin parcouru en dix mois sous son ministère qu’il juge « spectaculaire » à l’égard de l’île et dont il se dit très fier, une action uniment saluée par les présidents de l’Exécutif et de l’Assemblée territoriale. Il réaffirme sa reconnaissance du peuple corse, estimant que la diversité ne met pas en danger l’unité républicaine.



Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, entouré de François Orlandi, président du Conseil départemental de Haute-Corse, de Fabienne Giovannini et de Jean-Félix Acquaviva, conseillers exécutifs, d'Antoine Orsini, maire de Castellu-di-Rustinu, de Pascal Mariani, directeur régional de la Poste, du préfet Alain Thirion, de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, et de Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse.
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, entouré de François Orlandi, président du Conseil départemental de Haute-Corse, de Fabienne Giovannini et de Jean-Félix Acquaviva, conseillers exécutifs, d'Antoine Orsini, maire de Castellu-di-Rustinu, de Pascal Mariani, directeur régional de la Poste, du préfet Alain Thirion, de Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse, et de Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse.
C’est à Ponte Novu, dans la commune de Castellu-di-Rustinu, à quelques mètres à peine du fameux pont génois, théâtre d’une bataille historique, que le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, a débuté son périple de deux jours en Corse, placé sous le double signe de la ruralité et du bilan. Ruralité avec l’inauguration, lors de cette première étape, de la Maison de services au public (MSAP) qui offre, en partenariat avec la Poste, un certain nombre de services aux habitants de la microrégion, tels que la Sécurité sociale, les Caisses d'allocation familiale et de retraite, la Mutualité sociale agricole, Pole Emploi... C’est la dixième maison de ce type mise en place dans l’île, deux autres seront ouvertes à Cervione et Luri d’ici à la fin du mois, quatre autres en 2017 à Vico, Santa Lucia di Tallano, Piana et Solenzara. Ruralité encore avec la construction du PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) du Centre Corse et la signature d’un contrat de ruralité en Balagne… 
 
Un Riacquistu rural 
Un engagement déterminé en faveur de la ruralité, applaudi par le maire Antoine Orsini qui qualifie cette ouverture de MSAP d’« événement précieux » dans une « difficile bataille » à mener « contre la déprise du monde rural sur ce site historique de Ponte Novu à la symbolique forte ». S’il avoue que c’est presque « une gageure de vouloir réinvestir la ruralité et aménager le territoire, de vouloir à tout prix créer des conditions de vie acceptables et offrir des services aux populations des zones rurales », il se réjouit de « ce refus de laisser des pans entiers de nos territoires gagner par la désertification et l’abandon ». Il n’hésite pas, en présence des présidents de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, et de l’Assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, des conseillers exécutifs, Jean-Félix Acquaviva et Fabienne Giovanini, de parler de « Riacquistu rural ». Une satisfaction partagée par Pascal Mariani, directeur régional de la Poste, qui se félicite « des travaux convergents entre tous les acteurs, tant avec les services de l’Etat, qu’avec le Conseil départemental, les élus et les divers opérateurs. Ces convergences sont nécessaires pour réaliser vite cette ruralité dynamique que chacun appelle de ses vœux… avec une MSAP pour environ 10 000 habitants ». La Maison de Ponte Novu a coûté 95 000 €. L’investissement global pour les MSAP se monte à 1,2 million €.
 
Des Mariannes aux pieds d’argile 
Mais au delà de cet « événement heureux », le maire de Castellu-di-Rustinu avait, à quelques jours de la fusion des intercommunalités, une fusion difficile à accoucher dans ce Centre corse, quelques griefs à adresser au gouvernement sur la loi NOTRe, toujours aussi peu acceptée et incomprise. « Nous aurions pu faire nôtre cette loi, si elle avait réellement apporté une simplification à l’enchevêtrement institutionnel qu’elle vient alourdir, et qu’elle alourdira plus encore avec l’échelon inter-intercommunal nécessaire à la mise en place des PETR… si, par une sorte de déni de démocratie locale, elle n’avait pas imposé le mariage forcé sans possibilité du choix du conjoint à des communes qui auraient souhaité construire librement des coopérations intercommunales par consentement réciproque… si à la simpliste règle du seuil démographique avait été privilégiés l’existence et le contour de territoires pertinents, à taille humaine et donc gérables… si elle ne conduirait pas en réalité à vider, de leur substance, les communes pour en faire des coquilles vides avec à leur tête, et au plus proche des citoyens, des Mariannes aux pieds d’argile ».
 
Un ami du peuple corse 
Des craintes que Jean-Michel Baylet balaie d’un revers de main, préférant se concentrer sur le bilan de dix mois de relations avec la Corse. Une collaboration engagée plutôt « fraichement », mais qui, déclare-t-il, se solde par « des résultats spectaculaires » dont il entend bien faire le décompte, mardi matin, à Ajaccio devant les élus territoriaux et les parlementaires. « Nous avons mené à bien un certain nombre de dossiers difficiles. Je suis très fier du chemin parcouru qui s’est fait dans la confiance et la compréhension mutuelles, en ayant un seul objectif : l’intérêt des Corses et du peuple corse » (cf interview ci-après). Une action saluée en duo par la gouvernance territoriale. D’abord, brièvement, par Jean Guy Talamoni : « Nous saluons la loyauté avec laquelle vous avez tenu vos engagements s’agissant des grandes questions que nous avons travaillées ensemble : la fiscalité du patrimoine, la diminution de la contribution de la Corse au redressement des finances publiques et le statut d’île-montagne qui est une avancée pour la Corse. Nous saluons aussi les contacts que vous avez su établir avec notre majorité ». Puis, plus longuement, par Gilles Simeoni : « Vous avez prouvé, depuis plusieurs mois, que vous êtes ami de la Corse et du peuple corse ».
 
Un itinéraire paolien
Le président du Conseil exécutif remercie, également, le ministre d’avoir accordé la déspécialisation du reliquat de l’enveloppe de continuité territoriale qui « permettra, notamment, de financer les infrastructures de l’intérieur et de la montagne. Ce n’est pas rien ! Elle va rentrer en résonnance avec les autres dispositifs que nous allons décliner, maintenant, de manière opérationnelle ». Après avoir assuré les élus du Centre Corse de son soutien total dans le processus engagé de fusion intercommunale, il annonce l’engagement de la Collectivité territoriale de Corse pour matérialiser le projet patrimonial du site historique de Ponte Novu « selon des modalités que nous discuterons ensemble. Il faut réhabiliter le pont pour empêcher les intempéries de le faire disparaître, organiser un lieu de circulation avec une passerelle et construire un aménagement paysager. Nous avons le projet de créer un itinéraire paolien dans tout le grand Centre Corse, de Castellu-di-Rustinu à la Castagniccia, au Boziu et au Cortenais. Le parcours prendra sa source, ici, passera par le couvent d’Orezza, le couvent de Casabianca, le couvent de Saint François du Boziu et le couvent des Capucins à Corte pour finir dans l’ancienne capitale paoline ». Une annonce qui a ravi le maire Antoine Orsini et reçu l’aval de Jean-Michel Baylet.
 
N.M.
 

Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, entouré d'Antoine Orsini, maire de Castellu-di-Rustinu, et Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse.
Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, entouré d'Antoine Orsini, maire de Castellu-di-Rustinu, et Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse.
Jean-Michel Baylet : « Nous avons mené à bien un certain nombre de dossiers difficiles  dans l’intérêt du peuple corse »
 
- C’est votre énième visite en Corse. Pourquoi y venez-vous aussi souvent ?
- J’aime la Corse et j’aime les Corses. Je crois que ça commence à être connu. Je suis heureux quand je suis ici. Mais au-delà de mon bonheur personnel, je reviens parce qu’ayant en charge les dossiers de l’île, nous avons encore un peu de travail. Nous avons avancé sur l’essentiel. La Collectivité unique est, désormais, une réalité. Mercredi, je présenterai au Conseil des ministres les ordonnances de ratification. Nous avons œuvré utilement sur les Arrêtés Miot. Nous avons créé l’île-montagne dans le cadre de la loi Montagne. Nous avons donné droit aux demandes des présidents Simeoni et Talamoni sur l’excédent de continuité territoriale. C’est, quand même, 30 millions € ! Donné droit aussi à un calcul différent de la participation de la région Corse au redressement des comptes publics. La liste est longue. Mais, nous avons, encore, quelques petites choses à mener.
 
- Lesquelles ?
- Je pourrais rajouter la Maison des services publics que l’on vient d’inaugurer et celle de Calenzana. Cet après-midi, j’ai signé un contrat de ruralité avec le PETR (Pôle d’équilibre territorial et rural) de Balagne. Demain matin, nous tiendrons une réunion avec les élus corses pour faire le point, pour voir s’il n’y a pas d’aspérité et si les choses vont toujours dans le bon sens, ou bien s’il y a encore quelques difficultés à surmonter. Bref, j’ai considéré que c’était important que je vienne rencontrer les Corses, les responsables corses pour qu’avec les préfets et les services de l’Etat, nous travaillions à mettre les choses bien en ordre avant de décréter le point final dans quelques mois.
 
- Le statut d’île-Montagne est-il désormais officiellement acquis ?
- La loi montagne a été votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Cet après-midi, la Commission mixte paritaire s’est tenue sans beaucoup de débat sur le statut Corse île-montagne puisqu’il a été voté de manière conforme. Donc, vous pouvez considérer qu’il est désormais officiel. A la Corse, maintenant d’en faire bon usage !
 
- Il reste à définir le contenu de l’enveloppe financière. Est-ce un point encore en débat ?
- J’ai fléché, sur le Fonds spécial d’investissement local (FSIL) géré par mon ministère, 600 millions € pour la ruralité, dont 216 millions € pour les Contrats de ruralité. Nous ne discutons, donc, pas dans l’absolu, mais avec des moyens. Le contrat de ruralité, que j’ai signé cet après-midi à Corbara avec le président Lyons, est un contrat de plus de 3 millions €. Ce sont des sommes tout à fait importantes ! Je ne me contente pas de belles paroles ! La différence, peut-être, de ce gouvernement est que nous avons voulu mener une politique puissante et déterminée pour la ruralité et la montagne, mais nous l’avons immédiatement accompagnée des moyens nécessaires. Vous nous reprochez bien assez de faire de beaux discours, sans donner derrière les moyens nécessaires. Ils y sont pour la montagne. Je suis très heureux d’en faire bénéficier la Corse !
 
- On vous a rappelé la difficulté de mise en place des intercommunalités, notamment en Centre Corse. Cela ne risque-t-il pas d’être compliqué pour certaines ComCom à partir de janvier ?
- Non ! Les EPCI (Etablissement public de coopération intercommunale) sont en recomposition. Les choses se passent mieux que ce que l’on aurait pu imaginer. Nous n’avons pas eu besoin de recourir au « passer outre ». Dans le secteur où nous sommes, mettre les trois ou quatre communautés de communes ensemble, ça ne s’est pas passé très facilement. Le maire, Antoine Orsini, vient de l’évoquer dans ses propos. Corte est resté, pour l’instant, en dehors. Nous allons créer ce PETR qui habituera les élus à travailler ensemble et à voir combien il est utile d’être unis. Mutualiser rend beaucoup plus fort et permet de dégager des moyens. Je vous donne rendez-vous dans pas longtemps. Je suis sûr que cette communauté de communes s’agrandira encore et, cette fois, pas à l’initiative de l’Etat, mais à l’initiative des élus !
 
- Quels sont les derniers chantiers à finaliser avant la fin du mandat présidentiel ?
- Le chantier le plus important est de mener à bien les Arrêtés Miot avec le passage au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Le chantier tout aussi important est de bien boucler les ordonnances portant la création de la Collectivité unique. Les autres chantiers sont derrière nous, nous les avons menés à bien. Le bilan est significatif et spectaculaire, accompagné également d’espèces sonnantes et trébuchantes et de bons coups de reconnaissance des différences du peuple corse. Je pense que nous avons, en dix mois à peine, bien travaillé.
 
- Les ordonnances seront-elles bouclées avant la fin mars ?
- Oui ! Elles seront bouclées avant ! Elles ont déjà été adoptées en Conseil des ministres. Je les ai envoyées au Conseil d’Etat qui a fait ses remarques. Désormais, la loi de ratification, que je présente en Conseil des ministres, sera renvoyée au Conseil d’Etat. La date du 26 janvier est déjà fixée pour le débat au Sénat. Nous mènerons tout cela à bien, c’est vrai juste à la fin du quinquennat, mais l’essentiel est de réussir. Je crois que, sur le dossier corse, nous avons plutôt bien réussi !
 
- Quand cette loi sera-t-elle effective ?
- Elle sera effective en février pour permettre la création de la Collectivité unique et la convocation des élections en janvier ou février 2018. Les Corses choisiront, alors, les élus de la nouvelle Collectivité unique territoriale corse.
 
- Les présidents ont salué votre action en faveur de la Corse et votre reconnaissance du peuple corse. Avez-vous une position atypique au sein du gouvernement ?
- Le peuple corse, ce n’est pas un mot que j’hésite à employer ! Je suis Occitan. Je considère qu’il y a un peuple occitan, un peuple breton… La France était la France des provinces. Nous ne sommes pas tous les mêmes. Quand j’entends votre accent, vous entendez le mien, ce n’est pas compliqué de constater qu’il y a, entre nous, de nombreuses différences géographiques, historiques, culturelles, linguistiques… Cela ne veut pas dire que nous ne nous retrouvons pas tous sur le territoire de la République qui est une et indivisible, mais diverse. Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut reconnaître cette diversité portée avec plus ou moins d’acuité, selon les régions. La Corse a une identité très puissante, liée à votre insularité et à votre histoire, pourquoi ne pas le reconnaître ! Ça ne met pas en danger l’unité républicaine.
 
- Pourtant votre histoire d’amour avec la Corse avait plutôt mal débuté ?
- C’est vrai que notre première réunion, trois jours après ma nomination, était plus fraiche. Nous avons, depuis, appris à nous connaître et à nous faire confiance. Ce sont des choses que j’apprécie et je crois que les Corses, aussi. Ce qui m’intéresse, c’est qu’on puisse ensemble, l’Etat et les élus corses, créer les conditions pour que la Corse vive bien, porte son développement, non seulement dans les villes à Ajaccio et Bastia et sur le littoral, mais aussi dans la ruralité et dans la montagne. La reconnaissance du statut d’île-montagne y participera. Le contrat de ruralité, aussi. Demain, nous parlerons du PEI (Programme exceptionnel d’investissements) 4 qui est, là encore, de l’argent mis à disposition des Corses. S’ils en font bon usage, je crois que c’est le cas, la Corse franchira une étape importante. C’était souhaitable et indispensable ! Si j’y ai modestement contribué, la main dans la main avec d’autres, même s’ils sont différents de moi, j’en suis très heureux, à titre personnel et surtout pour les Corses.
 
Propos recueillis par Nicole MARI